L'Enseignement Informatisé

 

Fondements, Pédagogie, Analyse et Pratique.

 

Ernest Rougé

Lauréat Concours Micro 1980 de l'Agence Informatique

du Ministère de l'Industrie

 

 

De l'introduction d'un ou plusieurs ordinateurs dans une salle de classe.

 

 

"Contrairement à ce qu'un esprit non averti pourrait penser, la salle de classe est l'endroit le plus difficile pour introduire l'ordinateur ou les ordinateurs! Cette introduction nécessite un changement intime de la pédagogie mais le "rendement" est multiplié de manière incroyable par 5 ou plus, à condition que les logiciels soient adaptés à cet enseignement !!!"

 

 

 

 

INTRODUCTION

5

CHAPITRE 1

 

RÉFLEXIONS SUR LA PÉDAGOGIE

9

CHAPITRE 2

 

L'ENSEIGNEMENT PROGRAMME

15

CHAPITRE 3

 

EMPLOI DE L'ORDINATEUR DANS L'ENSEIGNEMENT

21

CHAPITRE 4

 

L'ORDINATEUR ET LA PÉDAGOGIE

31

CHAPITRE 5

 

LA PÉDAGOGIE STRUCTURÉE.

41

CHAPITRE 6

 

THÉORIE DE L'ENSEIGNEMENT INFORMATISE

53

CHAPITRE 7

 

L'ENSEIGNEMENT INFORMATISE.

63

CHAPITRE 8

 

L'EXPÉRIENCE DES NANORÉSEAUX

71

CHAPITRE 9

 

EMPLOI DE PLUSIEURS ORDINATEURS.

77

CHAPITRE 10

 

LA PROGRAMMATION DES DIDACTICIELS

85

CHAPITRE 11

 

LA PROGRAMMATION DES DIDACTICIELS (suite)

91

Quelles sont les caractéristiques d'un logiciel fermé?

96

CHAPITRE 12

 

ANALYSE D'UN PROGRAMME TYPE DE L'EI

97

CHAPITRE 13

 

1 FAMILLES DE PROGRAMMES

105

1) ACQUISITIONS DE CONNAISSANCES.

105

2) PROGRAMMES A PERSONNALISATION DE TRAVAIL

105

3) ANIMATIONS ET SIMULATIONS...

108

4) L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE.

109

5) L'ART SUR ECRAN.

111

6) L'APPRÉHENSION DE LA LOGIQUE.

111

7) GESTION DES NOTES ET CLASSEMENT DES ELEVES.

113

2 DIFFÉRENCES ENTRE EXERCICE TRADITIONNEL ET DIDACTICIEL

114

CHAPITRE 14

 

LES PROGRAMMES A FICHIERS.

117

CHAPITRE 15

 

LES PROGRAMMES A FICHIERS (SUITE) - L'EXPLOITATION DES RÉSULTATS.

121

CHAPITRE 16

 

L'ART SUR ÉCRAN.

131

CHAPITRE 17

 

ENQUÊTES SUR ORDINATEUR.

135

CHAPITRE 18

 

LA PROGRAMMATION DES ÉLÈVES. "MNEMON", "BASIC" et "LOGODEF".

143

Le LOGO

145

Le BASIC

145

CHAPITRE 19

 

LA LOGIQUE FONDAMENTALE - INTRODUCTION A L'ALGÈBRE DE BOOLE.

155

CHAPITRE 20

 

L'ÉTUDE DES RÉSULTATS.

163

CHAPITRE 21

 

ORDINATEUR ET PÉDAGOGIE.

177

CHAPITRE 22

 

CONCLUSION SUR L'EI

183

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

L'enfer est pavé de bonnes intentions... Le plus grand danger qui guette toute action humaine est une sous-évaluation des difficultés que l'on va trouver sur son chemin.

 

Les difficultés de l'introduction généralisée de l'ordinateur au sein de l'enseignement tiennent à des contraintes générales liées d'une part aux logiciels et aux matériels et d'autre part aux contraintes humaines. Mais pas seulement!... Le grand obstacle trop ignoré ou tout au moins trop mésestimé demeure la difficulté d'emploi de l'outil informatique au sein d'une pédagogie. C'est en fin de compte l'obstacle principal car, au niveau des enseignants, l'ordinateur et ses prodigieuses possibilités, ne se justifieront que si celui-ci s'insère véritablement en entier dans la pédagogie de l'enseignant. C'est pour cette seule raison que la salle de classe demeure le lieu le plus difficile pour l'introduction et l'emploi de l'ordinateur. Et pourtant le plus indispensable.

Le but de cet ouvrage est de montrer les possibilités pédagogiques extraordinaires de l'ordinateur d'une part et les techniques d'insertion de l'outil informatique au sein de n'importe quelle pédagogie pour le plus grand profit des enseignants et des enseignés. Là est la véritable adaptation de l'école à la révolution technologique. Placer quelques micro-ordinateurs dans une pièce et inviter une heure par semaine une classe entière à pénétrer le lieu saint n'est qu'un moyen de mettre seulement enseignants et élèves en présence de l'ordinateur. C'est certainement une étape transitoire mais pas une fin en soi. L'ordinateur doit entrer dans chaque classe d'école primaire, secondaire ou autre. et cela va devenir une nécessité devant le changement de structure de civilisation, de paradigme (de modèle profond) comme disent les philosophes, qui va frapper, qui commence seulement à frapper les sociétés humaines.

 

En fait, il va falloir changer vraisemblablement de fond en comble l'enseignement et toutes les structures qui l'entourent dans ce monde nouveau où déjà le travail des robots supplante les muscles et l'intelligence répétitive de l'homme et où dans les années à venir, ce qu'on nomme (peut-être à tort) l'Intelligence Artificielle avec ses systèmes experts ou ses traducteurs automatiques remplacera systématiquement le travail intellectuel basé sur l'exploitation des connaissances.

C'est l'intelligence et la créativité individuelle qu'il va falloir développer au lieu et place de l'unique acquisition de connaissances que les machines pourront stocker indéfiniment et mieux que l'être humain. En tenant cependant compte qu'il demeurera indispensable de posséder les connaissances de base. Montaigne a écrit qu'il fallait " choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine ". Désormais cela deviendra nécessaire à tous les niveaux de pédagogie, de l'école élémentaire à la Faculté. C'est un changement capital et fondamental qui attend les pédagogies du futur.

 

L'EI ou Enseignement Informatisé est une technique d'enseignement bâtie autour de l'emploi général non spécifique d'un nouvel outil au même titre que le livre, le papier et le tableau. Qui plus est, l'outil informatique est le point central autour duquel se construit cette nouvelle pédagogie ou plutôt cette nouvelle "technique pédagogique" et non une simple assistance à une pédagogie traditionnelle ou, à l'inverse, une possibilité de remplacement de l'enseignant, comme c'est le cas de l'EAO, Enseignement Assisté par Ordinateur.

 

L'Enseignement Informatisé ou EI c'est aussi l'adaptation de l'école au monde qui évolue et à la révolution technologique. Il faut chercher à diminuer la fracture trop importante existant entre la Société et l'Ecole, en particulier en France. Or celle-ci ne fait qu'augmenter. Ce problème d'adaptation de l'école ne date pas d'aujourd'hui...

 

Comme il est écrit dans un excellent article intitulé "Préparer le changement ... Perspectives d'une éducation moderne" du Courrier de l'UNESCO (Août-Septembre 1982) (article non signé)

"...Cette difficulté qu'éprouve l'éducation à s'ouvrir sur le monde du travail témoigne de ce que d'aucuns ressentent comme une rupture entre l'école et la vie. Elle traduit le décalage qui, dans bien des cas, s'est instauré entre une réalité sociale devenue extrêmement complexe et mouvante, et des systèmes éducatifs encore trop rigides pour apporter une réponse adaptée à l'ensemble des demandes du corps social, des demandes qui sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus diversifiées et elles-mêmes en évolution constante.

La nécessité d'un ajustement plus souple de l'action éducative aux besoins sociaux et d'une sensibilité accrue à leurs perspectives d'évolution se fait donc sentir un peu partout dans le monde. Cela passe par le développement des sciences de l'éducation et de la recherche dans ce domaine. L'idée est encore assez couramment répandue que l'enseignement est une activité artisanale pour laquelle il n'est pas nécessaire de recourir à des apports scientifiques. Il semble au contraire que l'amélioration des articulations et des relations réciproques entre l'éducation et la société exige un progrès constant des sciences de l'éducation, en tant que parties intégrantes des sciences sociales et humaines, et la mise au point de dispositions appropriées pour que leurs résultats puissent mieux et plus rapidement être pris en compte par la pratique éducative...

... Ainsi paraît-il plus que jamais nécessaire, non seulement d'améliorer l'orientation scolaire et universitaire, mais aussi d'utiliser pour tous l'ensemble du potentiel éducatif de la société, s'il est vrai que, face aux limitations des ressources naturelles et aux dérapages de la croissance, le destin des nations, au cours des prochaines années, sera lié à la façon dont elles sauront mobiliser et mettre en valeur les ressources humaines dont elles disposent.

Pour ce faire, et compte tenu des incertitudes et des difficultés qui s'attachent à tout effort de prospective, on peut estimer que la meilleure préparation pour cet avenir encore flou est une éducation qui s'attache à mobiliser toutes les capacités d'initiative et de créativité, individuelle et collective, afin de susciter la prise en charge, par les communautés elles-mêmes, de leur propre développement."

 

Le journaliste Philippe Alexandre parlant de l'éducation et de la formation, écrit dans un article paru dans Paris-Match (4 novembre 1983)...

 

" C'est un domaine dans lequel aucun investissement n'est jamais perdu. La seule chance de la France, si pauvre en matières premières et en main d'oeuvre, c'est d'augmenter le savoir de ses enfants. C'est la seule possibilité qui lui soit offerte de retrouver une situation de prépondérance. Or, là aussi, le retard de notre pays s'accentue par rapport à nos voisins européens et aux Etats-Unis d'Amérique mais également sur des pays encore en voie de développement, au sud-est asiatique. Au fil des ans, le système éducatif français a été endommagé à la fois par le réformisme inconsidéré des gouvernements et par le conservatisme peureux des enseignants."

 

Personnellement, je ne pense pas que le retard de la France soit dû au conservatisme peureux des enseignants mais plutôt à la pesanteur centralisatrice du système éducatif français qui veut que les initiatives partent uniquement du haut de la hiérarchie et qu'elles soient le fait de personnes qui n'ont plus qu'une connaissance lointaine des réalités du monde de la classe et de l'art de la pédagogie.

 

Il faut comprendre que dans un monde qui n'est plus figé mais qui évolue de plus en plus rapidement sous la poussée de nouvelles technologies, ce jacobinisme intellectuel puisse être nuisible à terme pour toute société. Comme l'enseignant se doit de dialoguer et d'aider ses élèves et non d'imposer sans partage une autorité sans faille, il faut que les responsables chargés de l'éducation dialoguent, fassent confiance et aident les enseignants au lieu et place de brimer systématiquement ceux qui osent entreprendre et s'adapter. En France, il y a encore trop d'inspecteurs d'académie ou primaires qui condamnent l'informatique simplement pour ne pas avoir à se remettre en question. Exactement comme des manchots de naissance condamneraient le travail manuel... par simple méconnaissance!

 

Mais l'Informatique est là. On ne peut plus la nier de notre monde. Il faut donc adapter l'enseignement à son arrivée. Que faire? Il convient bien d'être conscient que le plus important n'est pas d'apprendre les balbutiements de la programmation à quelques enseignants volontaires mais de s'occuper des problèmes liés à l'arrivée de cette machine fabuleuse. Comment l'employer? Comment adapter la pédagogie à cette nouveauté? Quelles règles suivre pour construire des logiciels pédagogiques? Quels logiciels pédagogiques?... Voilà les véritables questions. Ne pas les poser, ne pas chercher des solutions, refuser de s'adapter, d'adapter la jeunesse aux changements inéluctables, qu'on ne s'y trompe pas, c'est six, huit, dix millions de chômeurs à la clef. La responsabilité des hommes politiques va être énorme en cette fin de siècle. Il serait temps de ne plus considérer, pour certains d'entre eux, l'Education comme secondaire. L'avenir se joue là, même si son travail ne porte ses fruits que bien plus tard. L'Education ne gagne pas d'argent sur l'instant mais désormais elle sera la principale source de richesse du futur.

Désormais, la valeur de l'enseignement dans un pays moderne se mesurera à la fraction de jeunes chômeurs par rapport à l'ensemble des sans-emploi. Plus cette valeur sera élevée et moins l'enseignement sera adapté.

 

Ce livre est le fruit d'un long cheminement, d'une aventure commencée par hasard en 1976, avec une calculatrice programmable TI57 achetée par curiosité et son introduction en classe, suivie en 1978 par l'achat d'un premier micro-ordinateur TRS-80.

 

En fait, cette aventure commence véritablement début 1980 lorsque pour la première fois mon ordinateur m'accompagna en classe, grâce à deux valises de transport aimablement fournies par la mairie de Blagnac. Pendant trois ans, j'ai ainsi amené chaque matin de jour d'école mon ordinateur pour le reprendre chaque soir. Elle se poursuit en 1986 avec cinq micro-ordinateurs en classe, des micro-ordinateurs de bric et de broc, deux TRS-80 de première génération, un Guépard, deux TRS-80 modèle IV, cadeaux de la mairie de Blagnac, le troisième restant à domicile pour l'écriture des programmes. Elle se continue en 1993 avec six micro-ordinateurs AT et XT plus ou moins compatibles...

L'auteur,

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 1

 

 

 

REFLEXIONS SUR LA PEDAGOGIE

 

 

Par définition, la pédagogie est l'art d'enseigner.

 

Définition bien sommaire... C'est trop peu et trop vaste, penserez-vous ... et vous aurez raison!

 

En fait, au niveau des enseignants, elle parait assez comme un vaste conglomérat d'attitudes plutôt empiriques, pour la simple raison que toute pédagogie relève en premier de l'art de la communication entre êtres humains donc surtout des mécanismes sémantiques généraux du pédagogue autant que des élèves et en second de la psychologie de l'enseignant, c'est-à-dire des affinités profondes de ce dernier. On n'apprend bien à autrui que ce que l'on aime, donc ce que l'on connaît, et autrui n'apprend bien que ce qui lui plaît.

 

Encore convient-il d'en être pleinement conscient.

Et c'est la difficulté du métier d'enseignant que d'adapter sa sémantique propre à chacune de celles de ses élèves.

Les théories modernes de pédagogie se sont penchées sur cette difficulté de corrélation intrinsèque enseignant-enseigné, ce qui explique qu'elles ont toutes été menées par des psychologues, que ce soient Skinner ou Piaget.

 

Pour parler d'une manière plus pragmatique, un enseignant demeure avec sa propre interprétation d'une image qu'il pensera communément admise d'une échelle de valeur pédagogique plus ou moins inculquée par d'autres à l'époque de sa formation pédagogique et certainement déformée en partie par sa propre sémantique d'interprétation. C'est le poids de l'acquis qu'il nous faut tous porter.

 

 

Les phénomènes de transmission et de réceptivité de toute connaissance sont attachés:

 

1° ... à des phénomènes temporels liés à des vecteurs extérieurs donc physiques comme l'influence des conditions météorologiques... (--- Les élèves sont insupportables aujourd'hui donc le temps va se mettre à l'orage!) ou l'influence du moment .. (--- J'ai perdu toutes mes billes à la récréation ...) ou à des phénomènes continus tel le milieu familial (--- Tu es nul en orthographe... C'est de famille et ça n'a pas empêché ton père et ta mère de gagner honnêtement leur vie ...) ou à des vecteurs intérieurs d'ordre psychique en particulier liés à l'âge et aussi d'ordre chimique comme les rythmes biologiques (s'il s existent), voire même dans certains cas nutritionnels (carences ou excès), d'ordres psychomoteurs ou psychotiques même.

 

2° ... à partir du support d'un vocabulaire propre à chaque individu, à un transfert d'une somme de connaissances et d'un raisonnement supposé logique propre lui aussi à chacun d'entre nous mais capable d'adaptation dans le temps, interprétant tant bien que mal une série de postulats, lois et définitions tous relatifs.

 

 

Parlons plus clair. En d'autres termes, chaque individu a une représentation différente des mots et idées simples, donc à fortiori des schèmes complexes liés à un raisonnement. Bref, nous n'avons pas la même représentation d'un mot concret comme "maison" et chacun de nous aura une représentation individuelle propre, variable dans le temps, de ce même mot. A plus forte raison, les conceptions divergent encore plus sur des mots abstraits tels "liberté, démocratie, intelligence, art, pédagogie" et la représentation idéale pour chaque individu.

 

Au niveau d'un raisonnement, il est concevable que ceux-ci soient donc à priori différents, sans même tenir compte d'ailleurs de ceux considérés comme erronés soit comme non conformes soit comme logiquement faux à partir des postulats admis.

Prenons un exemple concret d'erreur de raisonnement fréquent chez un certain nombre d'enfants d'une dizaine d'années. La difficulté première que certains d'entre eux ont à classer par ordre de grandeur un ensemble de nombres décimaux, vient du fait qu'ils ont auparavant enregistré dans leur subconscient même, comme loi universelle, la règle vraie pour les nombres entiers, vérifiable d'un simple coup d'oeil, que plus un nombre contient de chiffres, plus il est grand... C'est cette règle et uniquement celle-là qui va bloquer le raisonnement de certains. Il y a en effet contradiction totale entre les nouveaux principes que l'enseignant cherche à inculquer quant à la manière de classer correctement par ordre croissant ou décroissant les nombres décimaux, lois non encore entièrement intégrées dans le concept de raisonnement et ce vieil "auto postulat", auparavant toujours vrai et maintes fois vérifié, enfoui profondément dans le subconscient ...

Pourquoi monsieur le professeur voudriez-vous que 3,1307 ne soit pas plus grand que 3,2 alors que 1307 est "fichtre" bien plus grand que 2 ?

 

Nous ne devons donc pas être étonnés qu'un tel auto postulat jusqu'à présent toujours vérifié, donc vrai, perturbe les nouveaux mécanismes de raisonnement que l'enseignant essaie d'inculquer à ses élèves... Ce même type de difficulté se retrouve chez certains enfants qui refusent par exemple d'effectuer la division 3 par 7 sous prétexte que le diviseur doit toujours être plus petit que le dividende. Simplement parce que toutes les divisions qu'ils ont auparavant aperçues de près (ou de loin) avaient toutes et sans exception le diviseur plus petit que le dividende et ce, depuis des temps "immémoriaux". Il convient de rappeler à tout adulte que l'intelligence est une adaptation constante à la vie, c'est-à-dire, un essai continu de structuration de schèmes nouveaux de connaissances et de raisonnements tournés vers la recherche d'une logique à partir des expériences et des acquis.

 

Il est, par conséquent, obligatoire de bien comprendre qu'il existe une énorme distance entre adultes et enfants et que les premiers acquis donc les plus anciens sont les plus profondément enracinés. Il y a succession d'acquis dans l'évolution logique du mécanisme de la pensée, les derniers écrasant les premiers. Acquis si évidents à l'instant présent pour tout individu mais admis peut-être avec force difficultés autrefois... (nous avons tous oublié ces difficultés rencontrées sur les bancs d'écoles !).

 

Piaget a écrit avec juste raison "L'adaptation intellectuelle, comme toute autre, est une mise en équilibre progressive entre un mécanisme assimilateur et une accommodation complémentaire. L'esprit ne peut se trouver adapté à une réalité que s'il y a parfaite accommodation, c'est-à-dire si plus rien, dans cette réalité, ne vient modifier les schèmes du sujet. Mais, inversement, il n'y a pas adaptation si la réalité nouvelle a imposé des attitudes motrices ou mentales contraires à celles qui auraient été adoptées au contact d'autres données antérieures : il n'y a adaptation que s'il y a cohérence, donc assimilation." (Piaget : La naissance de l'intelligence chez l'enfant. Edition Delachaux et Niestlé).

 

Même si tout enfant est capable de soutenir une conversation digne d'intérêt, on ne dira jamais assez à tout enseignant (et à certains parents qui ont en tête de hausser leur progéniture aux nues de la connaissance) que ce même enfant n'est pas un adulte en miniature, mais un individu dont l'intelligence n'est qu'à un début de développement et de connaissances... un individu en devenir ou en gestation si vous préférez. Ignorer ce fait, c'est malheureusement quelquefois voir l'enseignant, par attitude égocentrique, tomber dans un rapport maître-esclave avec certains de ses élèves, sous prétexte que ceux-ci refusent de comprendre systématiquement tout ce qu'il a la bonté de leur expliquer. Il faut admettre que certains élèves ont des difficultés d'adaptation et les asphyxier d'un travail hors de leur portée c'est délibérément les rejeter hors de toute adaptation ultérieure possible. Il ne restera à ces pauvres malheureux qu'à ou sommeiller en classe, ou chahuter pour passer le temps, ou s'évader de l'établissement. (Le même genre de problème se pose pour ce qui est de l'intérêt des matières enseignées pour une autre catégorie d'élèves, la plupart du temps doués voire surdoués mais qui refusent à partir d'un certain âge d'étudier ce qui ne les intéresse pas ou ce qu'ils considèrent à tort ou à raison comme relevant d'une éducation ubuesque, prisonnière de programmes dont ils n'aperçoivent pas la finalité, sans intérêts, "irréels". Question de goût assurément! Mais l'une des grandes lois de l'éducation à venir sera certainement de s'adapter aux goûts des élèves!)

 

Je sais bien que c'est difficile d'adapter le travail scolaire à chaque élève, mais ce n'est pas impossible, surtout avec l'aide continue d'un ordinateur. Je reparlerai plus tard de ce problème, c'est le but même de ce livre.

 

En définitive, que nous le voulions ou non, le pédagogue doit être un esclave au service de ses élèves et non l'élève un esclave au service du pédagogue. Certains enseignants, lisant ces quelques lignes prétendront que c'est utopie et que de toute manière les programmes sont là et que personne n'y peut rien ... un peu comme les calamités qui accablent les humains en cette vallée de larmes où la vie nous a jetés!... Soyons donc une fois nous-mêmes et essayons de prendre l'enseignement comme un dialogue enseignant-élève tel qu'il existe dans certains pays et non un monologue gourou-disciple, de tradition séculaire en France qui veut que le Maître dispense une Vérité dont il est le Seul Gardien sans se préoccuper de la manière dont il peut être perçu par l'ensemble des élèves. Qu'importe!... Seul compte la Vérité, tant pis si certains ne sont pas aptes à la comprendre. On ne change ni une Vérité ni un élève incapable de s'élever jusqu'à elle ! Et allez donc, ne tirons surtout pas sur le pianiste... pardon sur le Gourou.

 

Loin de moi l'idée de vouloir bouleverser la somme des acquis de la Pédagogie. La question que j'avance ici ne repose ni sur le contenu des programmes ni la manière de les enseigner mais sur les rapports qui doivent régir l'enseignant à l'ensemble de ses élèves et tout cela pour en arriver à cette conclusion que tout enseignant en présence des théories et programmes avancés dans ce livre pourra très bien sur certains points se trouver en contradiction avec sa conception de la pédagogie telle qu'elle ressortira de sa propre lecture et expérimentation.

 

Me voilà donc amené à préciser ma pensée !

 

Considérant, et c'est un point de vue personnel, que la pédagogie est en priorité un dialogue enseignant-enseigné... de ce fait, le plus important dans toute pédagogie est donc l'adaptation (ou en tout cas l'essai d'adaptation) du maître à chacun de ses élèves tant au niveau des études proprement dites qu'au niveau psychologique.

 

Autrement dit, la pédagogie n'est pas seulement une science comme le prétendent les pédagogues officiels mais aussi relève de la psychologie intime de l'individu et de l'Art de la Communication... Un bon acteur de théâtre est déjà en partie, un bon pédagogue parce qu'il saura capter l'attention des élèves. Les clowns et les montreurs de marionnettes sont, au niveau de la communication, d'excellents pédagogues pour les jeunes enfants!

Ce dernier paragraphe a fait sursauter quelques collègues!... Je précise que si la pédagogie relève en partie (et seulement en partie) de l'Art de la Communication, j'en déduis simplement qu'un excellent comédien possède les atouts pour devenir un excellent pédagogue et inversement, qu'un excellent pédagogue, même s'il ne s'en doute pas, possède un certain talent de comédien. Je dois aussi préciser pour un autre collègue et ami que je n'ai pas écrit qu'il fallait être forcément un clown pour être bon pédagogue!...

Ouvrons une parenthèse...

Me voilà loin de tout ce que j'ai entendu dans les écoles normales, dans la bouche des inspecteurs d'enseignement et lu dans les directives ministérielles !... Et oui, que diable!... Malgré tout ce qu'on a pu en écrire, en définitive, la Pédagogie est bien un Art...

... et de l'adaptation aux psychologies des élèves et le métier d'enseignant exige la tolérance comme vertu première

... et de la communication et le métier d'enseignant rejoint en un sens le métier de comédien...

... et de la liberté et le métier d'enseignant rejoint le métier de créateur...

 

Nous devons être pleinement conscients que l'adaptation est le mot-clef de l'enseignement. L'adaptation de l'élève, c'est l'effort qu'il doit entreprendre pour s'adapter aux nouveautés, à l'enseignement de l'adulte. L'adaptation de l'enseignant, c'est l'effort qu'il entreprend pour les aider à apprendre, c'est la deuxième adaptation qui rend possible la première dans de bonnes conditions. Plus simplement, si le maître parvient à mieux adapter son enseignement au niveau de l'élève, l'élève s'adaptera mieux à l'enseignement.

 

Elle peut donc être considérée comme un Art et plus elle s'adresse à un enfant en bas âge, plus elle est difficile à exercer et plus elle est profitable pour l'enseignant.

 

Je vais faire bondir tous les professeurs de Faculté!

 

Tout enseignant devrait donc théoriquement commencer le métier dans les classes de l'Enseignement Primaire au niveau des cours élémentaires ou moyens car, par l'âge des élèves et le mode d'enseignement, c'est le meilleur endroit pour découvrir les notions profondes et de base de la Pédagogie.

 

Reprenons notre conclusion principale, à savoir que le plus important dans toute pédagogie est l'adaptation du maître à chacun de ses élèves tant au niveau des études qu'au niveau psychologique...

Au niveau psychologique, facile... mais au niveau des études ?

 

Difficile, penserez-vous ?... Eh oui !

 

Une classe présente un éventail d'individus de niveaux scolaires extrêmement divers. Vouloir garder au niveau du travail l'hétérogénéité de l'ensemble de la classe revient à mal adapter le travail à certains élèves ou, ce qui est pire, à noyer davantage ceux déjà en perdition.

 

Chercher à adapter le travail aux possibilités de chaque élève relève de la pédagogie dite pédagogie de niveau (ou pédagogie différenciée).

Pour parler concrètement, rien ne sert de demander une rédaction à un élève qui a des difficultés pour lire ou écrire correctement, ni une solution de problème complexe à un élève qui n'est jamais arrivé à bien comprendre le fonctionnement d'une multiplication ou d'une division, ni de battre des records fabuleux de fautes dûment soulignées et comptabilisées dans cet exercice tant décrié à une époque et pourtant si nécessaire qui a nom orthographe.

 

A l'inverse, il ne sert pas à grand chose de donner un travail facile à un élève doué... L'ennui naît de l'uniformité, même dans une classe !

 

C'est un impératif d'essayer constamment de demeurer au niveau de possibilité d'intégration de la difficulté de chacun des élèves d'une classe.

 

Mis à part l'emploi de fichiers autocorrectifs par les élèves, il est impossible lorsqu'on se trouve devant trente élèves de préparer pour chacun un travail individuel. Il convient donc nécessairement de former des groupes de niveaux suivant les matières à enseigner.

 

Difficile certes ... mais possible !

 

C'est alors que peut intervenir cet extraordinaire outil d'aide pédagogique qu'est l'ordinateur. Outil magique... Il va apporter une aide importante à la réalisation de cette pédagogie de niveau mais en contrepartie, exiger une refonte totale de toute la pédagogie interne de fonctionnement d'une classe.

 

Bien sûr, il ne pourra tout faire et je m'empresse de le souligner ne devra travailler qu'en tant qu'adjoint-esclave du professeur. Mais il devra travailler pratiquement en permanence, en tout cas, le plus possible. C'est la grande difficulté à franchir et bouleverser entièrement sa pédagogie après des années d'enseignement mérite effort. Croyez-moi cependant... Le jeu en vaut la chandelle !

 

Il conviendra, si on ne dispose que d'un ou deux ordinateurs, de partager la classe en groupes de niveau, les uns sous la coupe du professeur, les autres sous celle de cet adjoint mécanique que la science nous offre, soit si on dispose d'un nombre important de machines, d'organiser le passage des élèves par un dispositif de rotation. Je reviendrai ultérieurement sur ce dernier cas.

 

Nous verrons que loin de rabaisser la valeur du travail de l'enseignant, l'ordinateur pourra tout au contraire la sublimer par une ouverture encore inconnue de la pédagogie vers des simulations interactives jusque là impossibles à réaliser mais surtout par une maîtrise de la pédagogie jamais atteinte auparavant. Nous verrons aussi que l'ordinateur dans une classe se prête à des tas d'autres possibilités en particulier l'appréhension du raisonnement logique que nécessite cet exercice éminemment pédagogique qu'est la programmation.

 

Outil magique... Oui... parce que l'ordinateur sera la machine-reine d'une révolution aussi complète que totale de l'enseignement que nous connaissions jusqu'à présent ...

 

Et puis en plus l'ordinateur possède une patience à toute épreuve !...

 

 

Référence :

 

Piaget : La naissance de l'intelligence chez l'enfant. Edition Delachaux et Niestlé.

______

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 2

 

 

 

L'ENSEIGNEMENT PROGRAMMÉ

 

 

 

 

 

 

Les règles pédagogiques propres à l'enseignement programmé existaient avant l'apparition des ordinateurs.

 

L'enseignement programmé se caractérise surtout par une recherche systématique d'essai de fragmentation des difficultés et leur présentation devant l'élève dans un ordre logique, par l'adaptation individuelle de l'enseignement à chaque élève (toute pédagogie de niveau tend vers l'enseignement programmé), par une participation active de chaque élève et le contrôle constant et immédiat des réponses fournies.

 

En fait, comme le rappellent tous les défenseurs de l'enseignement programmé, ces règles essentielles à toute pédagogie ont été énoncées depuis fort longtemps (Socrate, Platon, Descartes).

 

Cependant l'approche systématique et à tentative scientifique de l'enseignement programmé dans son ensemble doit être rendue au psychologue américain Skinner.

Considéré avec Watson comme l'inventeur du behaviorisme, (behaviorisme : théorie d'ensemble de la psychologie promue au rang de science objective par établissement de lois constantes et élémentaires régissant le comportement des êtres vivants) Skinner va chercher à cerner les lois premières de tout apprentissage. Il va donc introduire l'analyse expérimentale dans l'étude des processus et stimuli qui mènent à tout apprentissage et chercher à décomposer un enseignement complexe en une suite linéaire d'apprentissages simples.

 

D'où le type de programmation skinnerienne, programmation de structure essentiellement linéaire, c'est-à-dire sur une seule voie avec un enchaînement méthodique et précis des difficultés à aborder.

Voici ce que pourrait être un exemple de dialogue ordinateur élève de niveau sixième au sein d'un programme de type skinnerien.

 

ORDINATEUR :--- Soient les nombres suivants 1,3,5,7,9,11,... Quel nombre écririez-vous après 11 ?

A : 11 B : 12 C : 13

(Appuyez sur A,B ou C suivant la réponse choisie)

ELEVE : C

ORDINATEUR :--- Réponse exacte. Et après 13 ?

A : 13 B : 15 C : 17

ELEVE : B

ORDINATEUR :--- Réponse exacte. Nous sommes donc en train d'écrire une suite de nombres dont le premier terme est 1. Quel est le 3ème terme de cette suite ?

A : 5 B : 7 C : 3

ELEVE : A

ORDINATEUR :--- Réponse exacte. Pour passer d'un nombre de cette suite au suivant, nous nous servons de l'opérateur + 2 .

Quel est l'opérateur qui permet de construire la suite de nombres suivante : 2 , 4 , 8 , 16 , 32

A : + 2 B : + 4 C : x 2

ELEVE : A

ORDINATEUR :--- Erreur. Vérifiez si votre opérateur permet de passer du second terme de la suite au troisième et du troisième au quatrième

Quel est l'opérateur qui permet de construire la suite de nombres suivante : 2 , 4 , 8 , 16 , 32

A : + 2 B : + 4 C : x 2

ELEVE : C

ORDINATEUR :--- Exact.

Ecrivez en les séparant par une virgule ou un espace les 5 premiers termes d'une suite de nombres dont le premier terme est 19 et dont chaque terme suivant est obtenu par l'opérateur - 3

ELEVE : 7 10 13 16 19

ORDINATEUR :--- Je rappelle la définition.

Ecrivez en les séparant par une virgule ou un espace les 5 premiers termes d'une suite de nombres dont le premier terme est 19 et dont chaque terme suivant est obtenu par l'opérateur - 3

Quel doit être le premier terme de la suite de nombres ?

A : 3 B : 5 C : 19

ELEVE : A

ORDINATEUR :--- Je rappelle la définition.

Ecrivez en les séparant par une virgule ou un espace les 5 premiers termes d'une suite de nombres dont le premier terme est 19 et dont chaque terme suivant est obtenu par l'opérateur - 3

Quel doit être le premier terme de la suite de nombres ?

A : 3 B : 5 C : 19

® Avant de répondre, lisez attentivement la définition que je propose de la suite de nombres.

ELEVE : C

ORDINATEUR :--- Exact. Essayez d'écrire les 5 premiers termes de la suite de nombres.

ELEVE : 19 16 13 10 7

ORDINATEUR :--- Exact. Je vous remercie et vous souhaite une bonne fin de journée.

 

On remarque dans cet exemple la méthode de progression pas à pas. Les difficultés sont abordées les unes après les autres selon un ordre immuable. Il n'y a qu'un seul axe de progression.

On reproche surtout à la pédagogie skinnerienne d'avoir trop simplifié les principes de compréhension chez les humains pour avoir voulu les intégrer à la théorie behavioriste du comportement c'est à dire uniquement au conditionnement de type mécanique ou animal.

Peut-être est-il regrettable penseront certains, que le dogmatisme des partisans des théories de Skinner n'ait pas permis un approfondissement et une nouvelle recherche au niveau de la sémantique générale des concepts intellectuels humains. Cependant, la grande force de Skinner et de ses disciples reste la première tentative d'étude à approche scientifique, certes incomplète, des lois générales qui régissent l'apprentissage.

La pédagogie skinnerienne se caractérise aussi par le souci constant d'éviter si possible l'erreur et par un renforcement permanent de l'acquis.

 

Empêtré dans les postulats du behaviorisme et de Skinner, l'enseignement programmé ne devait effectuer son second bond en avant que grâce aux travaux de Crowder.

Psychologue de l'armée de l'air américaine, Crowder dut étudier la programmation de la recherche de pannes au niveau des équipements électroniques et forcément fut amené à construire une programmation non plus linéaire mais arborescente (en forme d'arbre, c'est-à-dire partant dans plusieurs directions) avec des possibilités de ramifications et de sauts.

 

Un exemple concret permettra facilement de comprendre.

 

Si nous désirons construire un programme de recherche de diagnostic médical par interrogation du patient, la méthode skinnerienne reviendrait à poser inlassablement à tout malade quel qu'il soit, une suite préétablie de questions et analyser ensuite toutes les réponses. On devine la longueur du programme. On conçoit de même, assez aisément que la réponse fournie à une première question, devrait certainement permettre d'éliminer pas mal d'autres questions, mais surtout de se diriger dans une zone bien délimitée de recherche du diagnostic.

Ainsi, à la question d'un programme de recherche de diagnostic médical...

--- Avez-vous mal et si oui, où ?

On conçoit que la réponse

--- Oui, aux pieds !

... permette la suppression de toute la recherche sur les céphalées ou les douleurs d'estomac...

 

Crowder fut donc amené à fabriquer des programmes à structure arborescente ou en toile d'araignée.

Comme d'autre part, ses programmes de recherche de diagnostic de pannes devaient s'adresser à des techniciens de différentes valeurs, (sans compter en plus que la recherche d'une panne peut se faire de plusieurs manières possibles!), il introduisit l'idée que la recherche du diagnostic pouvait prendre plusieurs chemins possibles et qu'AUCUN n'est privilégié.

 

Voici un exemple concret qui, même si on n'est pas un spécialiste du dépannage des téléviseurs, permet de comprendre en comparant les réponses fournies par trois techniciens et le déroulement du programme, ce que pourrait être un programme "crowderien". On remarquera la capacité d'adaptation de ce type de programme aux réponses fournies. L'intérêt est dans la comparaison des trois dialogues (et dans la conclusion).

 

Présentation de la panne: Son présent, écran gris et pas d'image.

 

 

1° dialogue

 

Ordinateur :--- Que faites-vous en premier?

Technicien :--- Je vérifie la tension à la sortie des potentiomètres de contraste et de lumière.

Ordinateur :--- La résistance du potentiomètre était coupée au niveau de la cosse reliée à la haute tension. Bravo, vous auriez trouvé la panne en 5 secondes.

 

2° dialogue

 

Ordinateur :--- Que faites-vous en premier?

Technicien :--- J'attaque l'entrée du premier étage moyenne fréquence image avec la mire électronique et je vérifie si j'ai le signal vidéo sur le collecteur du transistor final vidéo.

Ordinateur :--- Vous obtenez un signal normal. Que faites-vous ?

Technicien :--- Je vérifie si le signal vidéo arrive à la cathode du tube image.

Ordinateur :--- Vous obtenez un signal normal. Que faites-vous ?

Technicien :--- Je vérifie les potentiomètres de contraste et de lumière.

Ordinateur :--- La résistance du potentiomètre était coupée au niveau de la cosse reliée à la haute tension. Bravo, vous auriez trouvé la panne en 5 minutes.

 

3° dialogue

 

Ordinateur :--- Que faites-vous en premier ?

Technicien :--- J'attaque l'entrée du premier étage moyenne fréquence image avec la mire électronique et je vérifie si j'ai le signal moyenne fréquence à la sortie du 1er étage moyenne fréquence à l'aide d'un oscilloscope.

Ordinateur :--- Vous obtenez un signal normal. Que faites-vous ?

Technicien :--- Je vérifie si le signal se trouve à la sortie du 2ème étage et a été amplifié.

Ordinateur :--- Vous obtenez un signal normal. Que faites-vous ?

Technicien :--- Je vérifie si la diode de détection vidéo est claquée.

Ordinateur :--- Vous voulez dire en court-circuit, je suppose?

Technicien :--- Oui.

Ordinateur :--- Son fonctionnement est correct mais auparavant, vous auriez pu vérifier si le signal vidéo se trouvait à la sortie de la diode vidéo.

Technicien :--- Je vérifie si le premier transformateur moyenne fréquence n'a pas de coupure ou si la bande passante est correcte.

Ordinateur :--- Pas la peine puisque je suppose que vous avez correctement positionné la fréquence de la mire électronique. Vous revenez en arrière.

Technicien :--- Je vérifie si le signal vidéo se trouve sur la grille du tube image.

Ordinateur :--- Oui, l'oscilloscope montre le signal vidéo mais sur la cathode du tube image attaquée par le collecteur du transistor de puissance vidéo.

Technicien :--- Je vérifie si la bobine de correction du circuit vidéo ou sa résistance shunt ne sont pas coupées.

Ordinateur :--- Elles sont normales et n'ont rien à voir avec la panne.

Technicien :--- Je remplace le tube image par un tube image neuf.

Ordinateur :--- C'est long, délicat et pas du tout nécessaire. Le nouveau tube ne donne pas plus d'image que l'ancien...

Technicien :--- Je vérifie la C.A.G ( Commande Automatique de Gain ).

Ordinateur :--- Elle fonctionne parfaitement.

Technicien :--- Je vérifie la THT (Très Haute Tension).

Ordinateur :--- La THT est normale.

Technicien :--- Je vérifie la continuité des potentiomètres de contraste et de lumière.

Ordinateur :--- La résistance du potentiomètre était coupée au niveau de la cosse reliée à la haute tension. Bravo, vous auriez trouvé la panne en 5 jours.

 

La démarche de Crowder se différencie de celle de Skinner essentiellement par son pragmatisme. Crowder introduit dans la pédagogie de ses programmes la notion fondamentale de niveau.

 

Important : La technique de programmation crowderienne baptisée programmation intrinsèque est évidemment plus délicate à mettre en oeuvre que la programmation linéaire de Skinner. On a essayé de comparer les valeurs respectives de ces deux types de programmes au niveau pédagogique. Les résultats varient selon les élèves et les divers programmes. Cette constatation surprenante au premier abord, ne doit pas étonner car CE N'EST PAS LA METHODE DE PROGRAMMATION QUI FAIT FORCEMENT LA VALEUR PEDAGOGIQUE D'UN PROGRAMME.

 

Il est certain que sur un sujet donné traité selon les mêmes critères, un programme de type Crowderien devrait être en tout état de cause supérieur à un programme linéaire...

...Mais beaucoup plus difficile à réaliser !

Quant à choisir entre les deux types de programmation, je dirais que cela doit dépendre essentiellement des buts pédagogiques poursuivis et non d'a priori. Après tout, rien n'empêche de fabriquer un programme dont certaines parties seraient de type programmation linéaire et d'autres de type intrinsèque. La seule condition à rechercher est que le programme obtienne les meilleurs résultats possibles au niveau pédagogique.

 

Les recherches modernes de programmation pédagogique appartiennent pour la plupart à l'Enseignement Assisté par Ordinateur (EAO), et si elles ne veulent se situer ni dans la méthodologie skinnerienne ni dans le didactisme crowderien, force est de constater qu'elles prolongent, en règle générale, les recherches entreprises par Crowder.

 

Cependant l'Enseignement Assisté par Ordinateur a amené un certain nombre de nouveautés intéressantes dues aussi en grande partie à l'évolution du matériel, en particulier la rapidité toujours accrue des processeurs, la diminution des temps d'accès aux mémoires et l'apparition de langages spécialisés pour l'enseignement... TUTOR (Système américain Plato) , LSE (Langage Symbolique pour l'Enseignement adopté par l'Education Nationale en France) , FORTRAN (FORmula TRANslator' spécialisé pour le calcul mathématique) et surtout le fameux BASIC devenu le roi incontesté des langages pour micro-ordinateurs et même mini-ordinateurs de la planète.

 

Il convient de dire un mot de ce fameux "BASIC" (Beginners All Purpose Symbolic Instruction Code, soit en français : Code d'instructions symboliques tout usage pour débutants) tant décrié par certains mais qui est celui qui m'a permis toute l'expérimentation menée au sein de ma classe. (De toute façon, je n'avais pas le choix !).

Langage mis au point en Grande-Bretagne au Dartmouth College en 1965 PAR J.G. Kemeny et T.E Kurtz qui ne prévoyaient certainement pas sa fantastique ascension, il doit son succès à la taille relativement faible de mémoires qu'exige un interpréteur simple, ensuite à l'emploi de la langue anglaise et enfin à l'essor prodigieux de la mini et de la micro-informatique, c'est vrai, mais surtout à son interactivité, autrement dit sa convivialité, son extrême facilité d'emploi due au fractionnement poussé des bases de la programmation et à une simplicité d'écriture géniale (en particulier l'emploi du signe égal intégrant la variable temps et signifiant désormais devient égal à, ce qui permet d'écrire sans vergogne malgré l'horreur profonde de la gent mathématicienne de tout poil A = A + 1).

Il n'empêche qu'il présente des faiblesses importantes en particulier au niveau de la théorie d'apprentissage de la programmation à cause d'une absence totale d'obligation de structuration pour les programmeurs. (Non sans se rendre compte que cette absence peut se retourner en sa faveur puisqu'il doit obliger les constructeurs de programmes complexes à structurer eux-mêmes leur raisonnement.)

 

Il s'agit donc d'un langage génial et hautement pédagogique contrairement à ce qui a souvent été écrit par tous les théoriciens de l'informatique scandalisés par son manque total d'obligation de programmation structurée... mais génial et pédagogique par sa simplicité et son interactivité. Son succès vient de là et il faut bien qu'un langage informatique soit quelque part génial et pédagogique pour s'être révélé sans le vouloir le langage universel de la micro-informatique.

Mais, paradoxalement destiné à rester simple, son succès même l'a entraîné à évoluer rapidement face à la demande des clients et des constructeurs de machines jusqu'à devenir un langage universel de programmation dont l'emploi se prête aussi bien à l'enseignement qu'à la gestion ou à la recherche. On ne devrait plus parler du Basic mais des Basics, dont certains deviennent même des genres de langages évolués qui n'ont plus rien à voir avec le Basic d'origine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 3

 

 

 

EMPLOI DE L'ORDINATEUR DANS L'ENSEIGNEMENT

 

 

 

 

Les questions qui viennent à l'esprit d'un enseignant profane en la matière pourraient être dans l'ordre...

 

Serais-je capable de me servir d'une de "ces machines" en classe?

 

Est-il possible que je sois capable de "fabriquer" un programme?

 

Comment employer un ordinateur dans mon enseignement?

 

Et d'abord qu'est-ce qu'un ordinateur ?

... et un langage ?... et un programme ?... et un logiciel ?...

 

Afin de répondre à ces questions angoissées ou angoissantes, occupons-nous d'abord du matériel... le reste sera pour plus tard!

 

Donc, qu'est-ce qu'un ordinateur (ou un micro-ordinateur) ?

 

A première vue, il est composé d'un écran cathodique genre écran de téléviseur relié à une espèce de clavier genre machine à écrire.

Que peut-on faire avec tout cela ?

 

La réponse est nette... au départ, pour qui ne connaît pas la programmation, pas grand chose!...

 

Heureusement, il est toujours possible de charger dans les mémoires d'un micro-ordinateur un programme écrit par une tierce personne (à condition toutefois que le programme soit destiné à ce type de matériel).

 

Un programme ou logiciel ou encore didacticiel pour programme d'enseignement est une suite d'ordres qui permettent à l'ordinateur d'exécuter un travail ou de dialoguer avec un tiers... Nous reviendrons ultérieurement et plus en détail sur l'emploi et la fabrication de programmes.

 

Donc, l'emploi d'un micro-ordinateur en pédagogie n'est pas subordonné à une connaissance obligatoire de la programmation, de même que la conduite d'une voiture automobile ne demande pas une connaissance approfondie de la mécanique générale.

 

Il suffira de mettre l'appareil sous tension et de "pianoter" un ordre simple pour que le programme désiré soit lu et lancé, de même qu'il suffit d'ouvrir une portière et de tourner une clef de contact pour qu'une automobile vous emporte vers la Riviera.

 

Voyons donc maintenant ce qu'il est possible de faire avec notre ordinateur.

 

En supposant qu'un enseignant désire se servir d'un micro-ordinateur en classe, il doit savoir qu'il existe plusieurs possibilités d'emploi, dues aux contraintes imposées par le matériel même, le temps d'emploi disponible et la possibilité de transport. Il est facilement compréhensible qu'un professeur de lycée changeant continuellement de classe et d'élèves aura plus de difficultés à employer une telle machine qu'un instituteur. Heureusement, on trouve maintenant des variétés d'ordinateurs portables.

 

Il existe plusieurs possibilités d'emploi d'un micro-ordinateur ou d'un mini-ordinateur dans un établissement scolaire.

 

La première, la plus ancienne, a été la mise en service dans certains établissements du second degré surtout spécialisés vers l'enseignement technique (en France), d'un ordinateur relativement puissant capable de gérer en temps partagé (en même temps) plusieurs consoles (ou si vous préférez plusieurs terminaux). Sans le mini-ordinateur central, la console ou le terminal ne peut fonctionner. On va donc trouver dans une salle de l'établissement quinze ou trente consoles, c'est-à-dire quinze ou trente écrans et le même nombre de claviers genre machine à écrire.

 

Les nanoréseaux que l'Education Nationale a mis en place dans un certain nombre d'établissements scolaires, s'apparentent à ce type de matériel. Ils sont composés d'un ensemble de plusieurs micro-ordinateurs bas de gamme MO5 de Thomson reliés à un "gros" micro-ordinateur compatible IBM PC (c'est-à-dire capable de lire les programmes destinés au premier Personal Computer d'IBM, ce dernier servant de référence à une famille de micro-ordinateurs haut de gamme (par rapport aux MO5)) dont le rôle principal est de charger les programmes dans les serveurs (les MO5). La seule différence avec le système ancien est que les consoles sont remplacées par de véritables micro-ordinateurs secondaires. Ce sont eux qui assurent le déroulement du programme (dans leur totalité ou au moins dans leur plus grande partie).

 

Bien entendu, dans cette option, chaque classe de l'établissement (et je suis optimiste dans mon propos) aura le droit de se retrouver une fois toutes les semaines ou tous les quinze jours dans le sanctuaire. Qu'on le veuille ou non, il s'agit d'un système lourd, capable d'opérations ponctuelles au niveau de quelques disciplines à enseigner et plus tourné vers l'étude des techniques de fonctionnement de l'ordinateur ou le dessin des courbes mathématiques que vers une pédagogie liée à la machine.

 

En ce qui concerne les nanoréseaux, le seul avantage net aura été de mettre un nombre important d'enseignants au contact de la discipline informatique. Mais, ne le cachons pas, il n'aura été qu'un palier dans la véritable introduction de l'outil informatique dans l'enseignement.

 

La deuxième possibilité, consiste à placer un ou quelques micro-ordinateurs en permanence dans une classe. Possibilité facile dans l'enseignement primaire, plus délicate mais pas impossible dans l'enseignement secondaire. Solution bien plus souple que la première à condition de disposer pour chaque élève d'un temps de passage suffisant. Il est certain qu'un professeur de langue vivante par exemple préférera disposer d'un ordinateur à trente consoles une fois chaque deux mois pour une classe qu'il voit seulement deux heures par semaine, à une possibilité d'emploi en continu d'un micro-ordinateur qui ne peut lui être d'aucune aide pendant une heure de cours. Encore que l'adoption d'une pédagogie de niveau lui permettrait, je me fais fort de le démontrer, un emploi en continu de trois ou quatre micro-ordinateurs dans sa classe. Mais toute la conception de la pédagogie jusque là employée, devra être revue. Inversement un instituteur ou un professeur principal préférera d'emblée la seconde solution car il dispose de plus de temps de contact avec ses élèves donc d'un degré de liberté beaucoup plus élevé et d'une facilité d'emploi plus grande d'un outil de ce genre.

 

Il faut bien comprendre que l'emploi en continu d'un micro-ordinateur dans un enseignement demande une adaptation de la pédagogie plus importante que la visite hebdomadaire d'un nanoréseau avec sa classe.

 

Vient ensuite la philosophie d'emploi de la machine...

 

Il est évident qu'un enseignant ne possédant pas la maîtrise d'écrire des programmes, se voit dans l'obligation d'employer seulement les quelques logiciels dont il pourra disposer. Il peut certainement exercer son choix sur un ensemble de programmes fournis mais ce n'est pas lui qui, en définitive, a opté pour un type donné de programme voire même la philosophie d'emploi. Le risque a existé à une époque qu'une hiérarchie toujours aussi pointilleuse sur le matériel "agréé" que sur les didacticiels "agréés" n'impose, pour des raisons extérieures à l'éducation et en partie commerciales, qu'un seul type lui aussi "agréé" de logiciels sous prétexte "d'homogénéisation", de contraintes financières ou tout simplement "d'officialité" de "Nouveaux Programmes Officiels" (il s'agit cette fois des programmes pédagogiques destinés aux divers enseignements et non aux ordinateurs).

 

La seconde possibilité est que l'enseignant soit capable d'écrire lui-même les programmes ou tout au moins certains programmes dont il jugerait bon avoir besoin. L'intérêt en est évident. Il permet le choix en toute liberté et conscience de l'enseignant sur la pédagogie liée à ses programmes et ouvre même la porte à une véritable recherche pédagogique personnelle, ce qui est une motivation supérieure pour un approfondissement de sa pédagogie et pour l'intérêt que l'enseignant porte en fin de compte à ce métier si passionnant et si difficile par les temps qui courent...

 

C'est un avantage énorme pour un enseignant d'être capable d'écrire un didacticiel mais ce n'est pas une "NECESSITE OBLIGATOIRE". (sic)

 

Il existe aussi la possibilité de réalisation d'un logiciel par un groupe d'enseignants à la condition que l'un d'eux au moins (ou un parent ou une tierce personne) soit un bon programmeur. Nous reviendrons sur ce problème.

Va se poser ensuite à tout enseignant, qu'il programme ou non ses logiciels, la philosophie d'emploi de l'ordinateur.

 

La première idée qui vient sera certainement une aide à sa propre pédagogie.

 

Plusieurs cas de figure se présentent.

 

Ou bien l'enseignant décide de préparer quelques programmes simples destinés à quelques difficultés ponctuelles qu'il rencontre dans un cours... il s'agit alors d'un emploi intermittent du micro-ordinateur... le cas type pouvant être, dans certaines matières comme les mathématiques (ou la mathématique) ou les sciences dites exactes comme physique ou chimie, une simple question de résolution et compréhension d'exercices bien déterminés ou encore une fonction de mémorisation de connaissances à apprendre. Cette solution a été adoptée, je dois le signaler, par un certain nombre d'enseignants. Il s'agit donc simplement d'une aide circonstancielle à une pédagogie traditionnelle ou si l'on préfère l'emploi d'un outil d'aide à une pédagogie au même titre que peut l'être l'emploi d'un téléviseur, d'un magnétophone ou d'une carte de géographie avec cependant quelques différences notoires quant aux possibilités de l'outil.

 

Une seconde possibilité va être l'emploi de didacticiels plus évolués, la plupart du temps achetés, quelquefois créés par l'enseignant ou un groupe d'enseignants et qui peuvent même entrer dans le cadre de l'Enseignement Assisté par Ordinateur. (EAO), c'est-à-dire avec vocation d'auto apprentissage des élèves.

 

Destiné à faire acquérir à l'élève des données importantes ou des possibilités de raisonnements complexes, le programme peut être autonome par rapport à l'enseignement traditionnel ou, au contraire, employé au sein d'une pédagogie générale dont les objectifs sont largement fixés et connus.

Dans ce cas, le didacticiel ne vient pas non seulement à l'aide de l'enseignant ou ne s'ajoute pas à un cours traditionnel ou en conclusion de quelque démonstration ponctuelle mais essaie par ses propres moyens d'inculquer ou de revoir un certain nombre de notions précises, voire de s'adapter au niveau de chaque répondant. Il y a maintenant complémentarité entre les deux enseignements, le traditionnel et le programmé, celui du professeur et celui de l'ordinateur.

 

Il faut reconnaître que c'est cet emploi qui, en général, intéresse le plus les enseignants mais il est évident que de tels didacticiels sont complexes et plus difficiles à mettre au point que de simples programmes d'explications d'une difficulté ponctuelle.

 

D'autre part, plus les didacticiels sont complexes, plus ils risquent de s'éloigner de la vision personnelle de la pédagogie que possède chaque enseignant. Un programme simple fait l'unanimité puisqu'il ne peut relever d'aucune vision pédagogique spécifique (ou très peu) et n'est là que pour une démonstration d'un point bien précis. Par contre, un didacticiel complexe est nécessairement pourvu d'une ambition pédagogique donc d'une appréhension pédagogique et même d'une philosophie de l'enseignement qui peuvent être fort éloignées des objectifs visés par d'autres enseignants.

 

Une autre possibilité qui apparaît maintenant, est la décision d'emploi de l'ordinateur dans l'enseignement sous une vision précise (et uniquement celle-là) de philosophie pédagogique.

 

C'est en particulier la philosophie d'emploi du système "LOGO" prônée par Seymour Papert et certains chercheurs du Massachusetts Institute of Technology. Pour eux, l'enfant (ils ne disent pas jusqu'à quel âge) doit se servir de l'ordinateur pour mener son propre apprentissage. Un point c'est tout...

 

Ils considèrent que l'Enseignement Assisté par Ordinateur est à proscrire car il a pour unique résultat de programmer l'enfant, c'est-à-dire qu'un programme par exemple destiné à l'étude d'une règle de grammaire, renvoie nécessairement à la pédagogie traditionnelle qu'ils condamnent vigoureusement. Donc, condamnation absolue et sans appel !

 

Afin de mieux saisir la démarche intellectuelle de ce raisonnement, il faut comprendre que pour Seymour Papert l'enfant n'a aucunement besoin de pédagogie extérieure puisqu'il construit lui-même et seul ses propres structures intellectuelles, autrement dit puisqu'il a les ressources en lui-même de sa propre pédagogie, c'est-à-dire de sa propre faculté d'adaptation, d'appréhension et de structuration du monde qui l'entoure. Donc, nous devons laisser l'enfant dialoguer seul avec la machine et un programme spécifique ou une série de programmes spécifiques qui l'aideront à découvrir les lois du monde. En fait, il s'agit d'une déformation par extrapolation ou par exagération si l'on préfère de la pensée de Piaget. On pourrait presque parler d'hérésie manichéenne et schismatique.

 

Ainsi procède la vision que certains ont du programme "LOGO". Celui-ci propose à l'enfant la possibilité de déplacer une tortue sur un écran et de laisser les traces de son passage. Libre à l'enfant de découvrir les ordres (ou plus exactement la série d'ordres car il s'agit d'un programme que l'enfant est amené à construire) qui permettront à la tortue de dessiner un carré, un triangle, un cercle ou une maison (la solution n'est pas aussi évidente qu'il peut paraître à première vue) et de créer la procédure (c'est-à-dire une suite spécifique d'enchaînements d'ordres) qui permettra à la machine de répéter automatiquement cette série d'ordres à la demande. Il y a construction de langage ou plus exactement de ce qu'on nomme procédures.

 

La démarche est intéressante pour ne pas dire passionnante mais elle a, comme toutes les écoles de pensée un peu trop rigoureuses, le défaut de rejeter et de condamner tout ce qui ne se rattache pas à sa théorie.

 

D'autre part, il semble que la philosophie de programmation du Logo officiel rebute certains élèves et certains enseignants. C'est vrai que des élèves se détournent au bout d'un certain temps du Logo... Témoin aussi cette réflexion d'une enseignante qui m'a écrit: "Je pense que toutes les formes d'esprit ne réagissent pas de la même façon devant les "caprices" de la tortue. On peut dénoncer la fausse apparence de liberté de ce programme qui peut rebuter au lieu de passionner." Diable! Vers quel monde de la Mathémathie si cher à Seymour Papert allons-nous si les tortues Logo deviennent aussi capricieuses que de jolies femmes ?... Plus sérieusement cette réflexion entre en contradiction totale avec la thèse avancée dans "Jaillissement de l'Esprit" selon laquelle l'ordinateur et le Logo vont modifier le raisonnement des humains et même les modes de pensée (p.14). Que l'ordinateur puisse avoir une influence relative sur le raisonnement ou les modes de pensée, je veux bien le concéder mais ce sera minime et cela restera à prouver. La forme d'esprit de l'individu ne peut uniquement dépendre d'une forme d'apprentissage du raisonnement logique même s'il s'agit d'un type d'auto apprentissage. Alors, lorsque, après avoir condamné l'ordinateur qui sert à programmer l'enfant, Papert écrit :"Dans ma vision des choses, l'enfant programme l'ordinateur et, ce faisant, acquiert la maîtrise de l'un des éléments de la technologie la plus moderne... " ne peut-on penser qu'il s'agit bien aussi d'une programmation de l'enfant à un système de pensée uniquement logique ?

 

Loin de moi l'idée de condamner en son entier le système "LOGO" ou certaines théories de Papert. C'est vrai que l'apprentissage spontané existe, personne ne le nierait. Mais penser que tout enfant peut tout apprendre seul et de lui-même en dialoguant avec quelque programme d'ordinateur relève de l'utopie ou plutôt d'une vue de l'esprit destinée à mettre en valeur et à justifier la véracité de ses propres théories en détruisant systématiquement tout ce qui n'en fait pas partie. Après tout, on pourrait prétendre de même que les activités ludiques (les jeux), individuelles ou de groupe, obtiendraient les mêmes résultats!

 

Qu'on le veuille ou non, la pédagogie ne consiste pas seulement à pousser un enfant à trouver seul tout ce qu'il peut découvrir mais à le pousser bien plus loin, à le sublimer, à l'aider dans son propre apprentissage spontané et surtout à lui donner le matériel de base qui lui permettra d'aller le plus loin possible dans le domaine de la compréhension et de la connaissance. Ce n'est pas parce qu'un enfant a appris "SEUL" à parler sa langue maternelle qu'il apprendra "TOUT" de lui-même...

 

L'expérimentation à laquelle j'ai procédé tendrait à prouver que les deux types d'enseignement, traditionnel et avec ordinateur, donnent des résultats similaires et sont donc plutôt essentiellement complémentaires, et que ce sont leurs propres différences qui font leurs richesses et autorisent une meilleure pédagogie intrinsèque. Par contre, l'emploi systématique de l'ordinateur et surtout de plusieurs ordinateurs permet de multiplier le temps réel de travail d'un élève.

 

Il existe donc une voie bien plus prometteuse qui est l'emploi en continu et en toutes directions de l'ordinateur. Lorsque je parle d'emploi en continu, il ne s'agit pas de croire que l'ordinateur doit rester constamment en fonctionnement dans une classe du matin au soir mais qu'il doit seulement fonctionner le plus souvent possible puisque certaines autres activités pédagogiques impliquent la participation de l'ensemble de la classe. Et lorsque je parle d'emploi dans toutes les directions, j'entends par là que l'ordinateur peut présenter non seulement des types différents de programmes et ce bien évidemment dans toutes les matières possibles mais permettre une gestion des notes ou encore des activités ludiques spécifiques ou la création artistique par la fabrication de dessins sur écran, voire la fabrication de dessins animés, permettre la production d'un journal de classe grâce à la PAO (Publication Assistée par Ordinateur) ou montrer une représentation par le mouvement de divers phénomènes (rôle de tableau vivant) ou encore autoriser une possibilité d'étude mathématique de résultats pédagogiques ou une expérimentation pédagogique nouvelle du type " Logo " par exemple... Et j'en oublie forcément.

 

Car, et c'est peut-être la phrase la plus importante du livre... l'ordinateur est une machine qui peut tout... et il serait donc ridicule de se passer d'une partie importante de ses possibilités!...

 

En fait, nous ne devons pas considérer l'ordinateur comme une machine concurrente de l'enseignant mais comme une machine unique en son genre, capable d'introduire un coefficient de multiplication dans les résultats d'une pédagogie quelle qu'elle soit.

 

Ainsi est donc née une technique d'enseignement indépendante de toute pédagogie, liée à une nouvelle philosophie d'emploi généralisé de l'ordinateur en classe que j'ai baptisée "Enseignement Informatisé" ou "EI" en abrégé.

 

Je dois aussi préciser que, contrairement à l'assertion hautement proclamée d'un certain nombre de pédagogues dits "de métier", ce n'est pas l'emploi de l'ordinateur comme gestionnaire de la préparation rigoureuse du travail de classe qui est le plus important et même si l'ordinateur est pour certains un outil créé dès le départ pour la gestion (ce qui est faux en plus) on ne doit jamais perdre de vue que pour un pédagogue la part la plus importante doit être son emploi comme outil pédagogique, c'est-à-dire le dialogue enfant-programme par l'intermédiaire de la machine. Il serait navrant que l'ordinateur serve presque uniquement pour la gestion des notes, l'aide à la pédagogie de l'enseignant et accessoirement une fois par semaine ou pire, par mois, pour quelques menus jeux ou programmes plus ou moins pédagogiques avec les élèves, voire une simple initiation à la programmation.

 

Il faut choisir dans la vie...

 

Pédagogie pour l'élève ou pédagogie pour l'enseignant ? ... Les deux sont indissociables mais si on peut à la rigueur se passer de la seconde, la première est obligatoire!

 

Ceci étant dit... Il fallait le dire, n'est-ce pas?... rien n'empêche d'employer l'ordinateur dans un travail de gestion au sein d'une classe ou d'une école.

 

Mieux, un programme à vocation pédagogique peut se gérer en fonction d'une analyse des résultats précédents obtenus par l'élève mais cette gestion là n'a absolument rien à voir avec une gestion d'école ou d'entreprise. C'est tout à fait différent.

 

En définitive, et j'en reviens toujours là... (et les enseignants qui emploient un ordinateur dans leur classe ne me contrediront pas) ... c'est la relation machine-enfant qui est fascinante, avec en corollaire, le problème important qu'elle pose, à savoir la qualité pédagogique intrinsèque du programme éducatif employé.

 

Bien entendu, la possibilité d'analyse et de gestion de résultats qu'offre l'ordinateur est extraordinaire et nul enseignant ne s'en privera mais nous entrons dans un tout autre domaine de la pédagogie, il est vrai tout aussi important c'est-à-dire la possibilité d'analyse et de valorisation d'un enseignement quel qu'il soit.

 

Il fait partie intégrante de l'Enseignement Informatisé tout comme les programmes de gestion de classe ou d'école.

 

Je terminerai le chapitre en disant que c'est la recherche de l'emploi en continu de l'ordinateur en classe et la recherche de programmes d'enseignement dans toutes les directions possibles qui ont le plus d'intérêts pour la pédagogie prise dans son sens le plus noble. Ce sont ces objectifs qui m'ont amené à créer une théorie de l'Enseignement Informatisé qui est la théorie d'un essai d'emploi en continu et en son maximum de l'ordinateur dans l'enseignement du Futur.

 

Comme cette affirmation de ma part pourrait choquer, je rappelle la définition d'une théorie donnée par Einstein car, même si la Pédagogie ne peut être une science exacte, l'emploi de l'ordinateur comme outil pédagogique et la construction de programmes éducatifs de valeur relèveront en un certain sens de cette définition de la théorie qu'on le veuille ou non...

 

 

"On se représente le processus de l'évolution d'une science, au point de vue épistémologique, comme un processus continu d'induction. Les théories apparaissent comme des résumés d'un grand nombre d'expériences isolées en des lois expérimentales, d'où sont déduites par comparaison les lois générales. L'évolution de la Science ressemble, à ce point de vue, au classement d'un catalogue, à un travail purement empirique.

Mais cette conception ne représente pas tout le processus réel. Elle passe sous silence le rôle important que l'intuition et la pensée déductive jouent dans l'évolution de la science exacte. Aussitôt qu'une science a franchi le stade le plus primitif, les progrès théoriques ne sont plus réalisés simplement par un travail de classement. Le chercheur, poussé par les faits de l'expérience, développe plutôt un système de pensées qui, le plus souvent, est logiquement construit sur un petit nombre de suppositions fondamentales, les soi-disant axiomes. Nous appelons un tel système de pensées une théorie. La théorie tire sa raison d'être du fait qu'elle relie un grand nombre d'expériences isolées; là réside sa vérité".(La relativité. Einstein Bibliothèque Payot p.144).

 

A partir de là, même si la Pédagogie ne peut être considérée comme une science exacte mais comme une science éducative donc science humaine, elle relève elle aussi dans l'optique de la pédagogie scientifique des mêmes processus, non seulement de processus d'induction mais de l'intuition et de la pensée déductive.

 

Ceci étant, nous pouvons déjà poser au départ les postulats de base qui doivent soutenir la théorie de l'Enseignement Informatisé ou EI que nous allons bâtir ensemble...

 

A savoir...

 

I) L'ordinateur est le meilleur outil pédagogique puisque capable d'autonomie et d'adaptation automatique à un niveau de connaissances.

 

II) Les possibilités d'aide pédagogique à partir de l'ordinateur sont sans limites définissables.

 

III) Tout type de pédagogie, sans exception, est adaptable à l'emploi de l'outil informatique.

 

IV) Toute adaptation d'une pédagogie à l'outil informatique apporte une amélioration aux objectifs généraux de cette pédagogie.

 

 

La théorie devra essayer, à partir de ces postulats, de trouver les règles permettant de répondre aux questions suivantes, à propos de l'outil informatique:

 

1° Comment, indépendamment du type de pédagogie, l'adapter le mieux possible aux diverses pédagogies propres à chaque enseignant ou aux diverses écoles de Pédagogie...

 

2° Comment l'employer le plus possible et le mieux possible au sein d'un enseignement quel qu'il soit.

 

3° Comment ouvrir grâce à lui, l'éventail des possibilités de toute pédagogie, quelle qu'elle soit, sans en perdre les objectifs généraux fondamentaux.

 

En fait, l'Enseignement Informatisé est un essai d'adaptation générale des pédagogies à la révolution technologique amenée par un outil. En ce sens, il diffère complètement de l'Enseignement Assisté par Ordinateur qui ne considère l'ordinateur uniquement que comme une assistance à un auto enseignement.

 

La différence, et elle est de taille, est là. L'Enseignement Assisté par Ordinateur a vocation à remplacer le cours d'un enseignant par un cours programmé, voire à se passer en fin de compte de l'enseignant alors que l'Enseignement Informatisé est un essai d'adaptation d'une pédagogie d'enseignant à la machine informatique.

 

Donc, sans renier aucunement les objectifs généraux anciens de tout enseignant, modifier la pédagogie de celui-ci dans son fonctionnement pour mieux l'adapter à l'emploi maximal de l'outil et permettre non seulement un meilleur rendement mais même de découvrir de nouveaux objectifs liés à la philosophie d'ensemble de la pédagogie employée.

 

Existe-t-il donc des différences entre les logiciels (programmes) de l'EI et ceux de l'EAO? Oui, à l'évidence, puisqu'ils n'obéissent pas aux mêmes philosophies d'emploi et que les programmes spécifiques EI ont des particularités destinées à les intégrer au sein d'un enseignement régi par un enseignant. Nous verrons ultérieurement les règles de construction de programmes spécifiques de l'Enseignement Informatisé mais en fait, c'est la manière ou la philosophie d'emploi qui décide en premier si un didacticiel appartient à l'EAO ou à l'EI. On peut toujours employer un logiciel spécifique EAO dans le cadre de l'EI.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 4

 

 

 

L'ORDINATEUR ET LA PÉDAGOGIE

 

 

 

 

L'ordinateur va donner naissance à une révolution pédagogique.

 

Et cela, pour plusieurs raisons.

 

En premier, il va transformer toute pédagogie "classique" par la puissance et les qualités même de l'outil (qui iront d'ailleurs en s'améliorant constamment) et son assistance possible à tout type d'enseignement. En un mot, il prolongera toute pédagogie quelle qu'elle soit.

 

En second, toujours par ses possibilités, il donnera naissance à une pédagogie entièrement nouvelle, irréalisable concrètement sans ordinateur, en particulier l'apprentissage du raisonnement logique par la programmation.

 

En troisième, il va faciliter l'analyse même de la pédagogie. Nous entrons là, dans une partie neuve que nous pourrions baptiser "pédagogie analytique" car elle ouvre la voie à la possibilité d'analyse scientifique de toute pédagogie autant informatique que classique ou si vous préférez, à juger de la valeur d'un type de pédagogie en fonction de critères parfaitement définis... reste évidemment à définir les critères.

 

Tous les enseignants connaissent la difficulté à juger de l'efficacité d'un travail au sein d'une classe c'est-à-dire avoir une idée du "rendement" d'une leçon ou d'un exercice, du rapport entre l'objectif atteint et l'objectif visé ou simplement une idée nette de la valeur moyenne d'une classe par rapport à celle d'une année précédente. Pendant trop longtemps la pédagogie n'a été finalement analysée que sous une forme subjective, philosophique ou psychologique voire seulement littéraire et même malheureusement quelquefois politique, sans tenir aucunement compte des résultats escomptés et des résultats obtenus.

 

D'où le succès depuis des années de théories pédagogiques certes brillantes intellectuellement parlant mais qui ne tiennent aucun compte ni des comportements psychologiques ni des possibilités intellectuelles de la plupart des enfants en bas âge. Je rappelle simplement que plus l'enfant est jeune et plus la pédagogie concrète (par opposition à la pédagogie abstraite ou théorique) devient un exercice difficile. Car non seulement le comportement égocentrique, mais la vision analytique des faits, la pauvreté de vocabulaire, l'absence presque totale de réflexion logique comme la prééminence encore forte de l'inné sur l'acquis chez certains, font de l'enfant un être extraordinairement différent de l'adulte et n'obéissant pas aux mêmes règles d'appréhension du monde. En d'autres mots, ce qui peut nous paraître intéressant peut laisser certains enfants indifférents et vice versa. Nous avons trop tendance à raisonner brillamment en matière de pédagogie alors qu'il faudrait se pencher beaucoup plus vers l'enfant et apprendre à l'écouter...

 

D'où les magnifiques erreurs de ces dernières années, la plus sensationnelle étant à mes yeux la condamnation sans appel de la méthode analytique de lecture (b + a = ba) et l'ascension merveilleuse de la méthode globale... avec les déconvenues qui ont suivi c'est-à-dire un recul général de la lecture par un rejet lié à la difficulté de lire mais aussi une apparition chez certains enfants de fautes nouvelles malheureusement quelquefois irréductibles au niveau de l'orthographe de certains phonèmes (par exemple lecture ou écriture de ch pour cl chez des enfants de dix ans). Citons dans le même ordre d'idée les essais faits il y a quelques années d'éviter d'apprendre les tables de multiplication par coeur, celles-ci devant être trouvées par raisonnement. Allez faire une division ensuite !...

Mais le plus grave à l'apparition de toute nouvelle directive pédagogique est que dans son désir de la voir appliquer immédiatement et dans son entier, l'Education Nationale insiste lourdement sur la nouveauté, lance des interdits, condamne comme hérésie ce qu'elle exigeait autrefois, amène la majorité du corps enseignant et de la hiérarchie, à obéir aveuglément et à dépasser même systématiquement pendant la ou les premières années de la "toute nouvelle dernière réforme" les propres buts pédagogiques cherchés au départ, uniquement par souci d'imposer par la force un point de vue pédagogique à un corps enseignant réputé immobiliste et qui est beaucoup plus ouvert aux nouveautés qu'on ne le pense.

 

L'Education Nationale, contrairement à ce qu'affirment de mauvaises langues enseignantes, a toujours été pour l'innovation en matière de pédagogie... à la seule condition que ce soit "son" innovation, celle qu'elle impose par décret!

 

Pour la méthode de lecture, il a donc fallu faire machine arrière et pour ne pas se désavouer on pratique de nos jours des méthodes dites mixtes. La totalité de ces méthodes sont des méthodes analytiques camouflées, partant du mot pour finalement insister sur la construction lettre par lettre... Mais si bien camouflées que bon nombre d'enseignants oublient d'insister sur l'analyse de construction ou n'insistent pas assez. On ne condamne pas pendant des années une méthode d'apprentissage de lecture sans qu'il n'en reste des traces de suspicion.

 

Je rappelle ici le raisonnement sans faille des partisans acharnés des méthodes globales de lecture et de l'interdiction de récitation des tables de multiplication, les trop fameux "inquisiteurs hyperglobalistes antétabulaires" qui sévirent quelques années sous la forme de certains inspecteurs d'académie intraitables et certains inspecteurs primaires forcenés sur ces nouvelles dispositions, avant de disparaître, comme par enchantement et sans laisser la moindre trace, dans une des innombrables trappes de l'Histoire des Expériences Pédagogiques de l'Education Nationale Française :

---Puisque nous (les adultes) lisons en fin de compte les mots et phrases d'une manière globale, et sans ânonner par dessus le marché, apprenons directement à lire les mots en entier aux enfants et ils parviendront "d'eux-mêmes" à dégager les lois analytiques de construction des mots donc à mieux les intégrer et, très rapidement, liront tous correctement comme vous et moi... et puis ce ne doit être d'aucun intérêt pour les enfants de placer stupidement quelque consonne et quelque voyelle à la suite l'une de l'autre pour construire quelque syllabe ... Mettez-vous à la place de ces pauvres gosses!... Et en plus, ils liront dès le départ comme nous, c'est-à-dire globalement... et sans ânonner par dessus le marché... Prototype même de raisonnement parfait pour l'adulte ... C'était ma jeunesse, il y a plus de trente ans... J'entrais dans le monde de l'Education!

 

Ce à quoi un enfant de six ans défenseur de la méthode analytique pourrait répondre, s'il en était capable :

--- Vous (les grandes personnes) ne pouvez pas savoir ce que c'est amusant d'accrocher des lettres ensemble... aussi amusant que de mettre des cubes à la queue leu leu ou d'accrocher la poupée de ma grande soeur à mon camion ou de mettre des cailloux en ligne pour que ce soit l'autoroute. La seule chose qui compte est que le jeu m'intéresse et ça m'intéresse parce que les lettres c'est comme les wagons d'un train... Et j'aime bien accrocher les wagons ensemble !... Mais quand il y a trop de wagons, je suis aussi perdu qu'un chef de gare de petite ville avec l'arrivée inopinée de quinze trains de pèlerins!

 

Tout ce passage pour montrer aussi et peut-être surtout, la difficulté inhérente à toute pédagogie, à savoir l'adaptation de l'homme à l'enfant. Bien entendu, vous pouvez être totalement opposé à ma vision sur le problème de l'apprentissage de la lecture ou des tables de multiplication! Et en même temps, opter pour l'E.I qui n'est en priorité qu'une technique d'emploi de l'outil informatique!

 

Revenons à l'enseignement informatisé... L'expérience que j'ai de l'emploi en continu d'un micro-ordinateur en classe élémentaire (cours moyen) m'a montré qu'il permet non seulement l'acquisition répétitive de tout enseignement mais l'aide à toutes les formes de pédagogie, et surtout l'aide à toute pédagogie de niveau et à toute pédagogie tournée vers l'acquisition de connaissances.

 

Le plus intéressant dans l'ordinateur est l'introduction de ce facteur puissant, pour moi le plus déterminant, qu'est la MOTIVATION prodigieuse due à l'INTERACTION immédiate entre élève et machine, OU PLUS EXACTEMENT ENTRE ELEVE ET CONNAISSANCE... Qui n'a vu un groupe d'enfants agglomérés autour d'un programme de micro-ordinateur, ne peut comprendre exactement le phénomène!... peut-être même aurais-je dû dire entre humain et machine car les enseignants sont souvent aussi motivés que les élèves. Là réside la réussite de l'ordinateur dans l'enseignement.

 

L'ORDINATEUR EST LA MACHINE REINE DE L'ENSEIGNEMENT A VENIR ...

 

Parlons maintenant des problèmes liés à l'emploi d'un ordinateur dans un enseignement.

 

La symbiose de l'enseignement de type classique et de l'enseignement par ordinateur entraîne à l'évidence des modifications ...

et de la pédagogie générale

et du fonctionnement de la classe, appelée aussi pédagogie de fonctionnement de la classe.

 

D'abord en pédagogie générale ...

 

La valeur pédagogique d'un objet quel qu'il soit, et j'entends par objet autant un logiciel d'enseignement qu'un livre destiné à des enfants ou un cours de type magistral ou autre... se mesure au degré de motivation de l'élève et non uniquement sur des A PRIORI pédagogiques, philosophiques, mathématiques ou autres!...

 

C'est une loi fondamentale de toute pédagogie que tout pédagogue doit garder constamment dans le crâne. A lui de chercher ensuite les objectifs qu'il veut assigner à son enseignement. C'est sur ces objectifs, nécessairement les plus positifs pour l'élève dans l'esprit de celui qui enseigne, et la manière de les atteindre que les enseignants ne peuvent forcément avoir les mêmes idées. Mais rien ne sert pour un pédagogue d'avoir une idée brillante si elle est suivie d'une absence totale de motivation de la plupart de ses élèves à son propos!

 

On conçoit que certains didacticiels entraînent une modification en profondeur ou tout au moins découvrent de nouveaux horizons à une pédagogie quelle qu'elle soit... Mais ce n'est pas tout! Il faut aussi prendre conscience que l'enseignement de toute programmation ... l'étude des règles de construction logique d'un programme si vous préférez ... est un exercice intrinsèquement et hautement pédagogique peut-être même le plus intéressant qu'on puisse trouver de ce seul point de vue et je suis en partie d'accord avec l'analyse qu'en fait Seymour Papert dans son livre "Jaillissement de l'esprit".

 

Très bien, tout ce discours!... direz-vous... mais le concret ?... l'emploi ?...ou si vous préférez, la pédagogie de fonctionnement de l'ensemble "enseignant-machine-élève" ?

 

Car c'est peut-être intéressant d'avoir un ordinateur en classe mais comment s'en servir... une fois de temps en temps ou le plus souvent possible?... le plus souvent possible puisqu'il parait que c'est une machine extraordinaire !... Facile à dire... mais concrètement ?...

 

D'abord, l'objectif qui vient à l'esprit de tout enseignant... "je m'occupe d'une partie des élèves tandis que l'ordinateur s'occupe de l'autre..."

 

Très intéressant mais comme un micro-ordinateur peut difficilement occuper une quinzaine d'élèves... trois à quatre au maximum... il faudra donc déjà prévoir plusieurs passages de groupes...

 

Attention!... Ici une parenthèse importante pour remarquer que les didacticiels destinés à un ordinateur employé seul dans une salle de classe ne relèvent forcément pas de la même philosophie d'emploi que ceux destinés à des salles équipées de consoles. Ils peuvent et doivent pour certains au moins, avoir une spécificité propre quant à leur durée ou leur conception!... C'est important. A l'usage, on s'aperçoit que le type de programme envisagé dépend de la manière d'emploi à l'intérieur d'un cours.

 

Donc, je peux m'occuper de certains élèves et envoyer les autres par groupes à l'ordinateur... c'est-à-dire par exemple, m'occuper des plus faibles en une matière et "expédier" les meilleurs à l'ordinateur ou inversement permettre à des élèves faibles une révision grâce à l'ordinateur et intéresser les meilleurs à des problèmes qui seraient insurmontables pour les premiers!...

 

Et voilà la philosophie d'emploi de la machine !... Facile à dire mais à faire ?... Peut-être pas évident.

J'ai encore en mémoire le souvenir, tout au début de mon aventure informatique, d'avoir amené le matin le micro-ordinateur en classe et de m'être presque fortuitement aperçu à cinq heures de l'après-midi que je n'avais même pas branché la prise de courant électrique !... Pis, une fois, j'ai oublié la machine en classe. Un comble!...

 

Autant reconnaître qu'au sein d'une pédagogie bien rodée, il y a au moins une certaine difficulté à intégrer l'emploi en continu de la "machine"...(tout au moins au départ, car ensuite c'est l'absence d'ordinateur... je l'ai vérifié... qui pose à l'inverse des problèmes d'adaptation). Alors, que faire?...

A l'évidence, une seule réponse possible: transformer sa pédagogie!... Non pas en entier bien évidemment, mais seulement cette partie de la pédagogie que j'appelle la pédagogie de fonctionnement d'une classe, c'est-à-dire le déroulement des cours et de tous les travaux si on préfère... mais de toute évidence, la transformation radicale de ce fonctionnement va, ou tout au moins risque fort d'entraîner une remise en question plus large ou plus profonde de la philosophie même de sa propre pédagogie...

 

Si nous désirons employer le plus souvent l'ordinateur, compte tenu de sa capacité à "travailler" avec un élève ou un groupe d'élèves, force est de constater qu'à cet instant, il nous est interdit de pratiquer un cours (magistral ou pas) ou toute activité intéressant l'ensemble de la classe, sauf si, sur ce dernier point, la possibilité existe de distancer dans le temps l'activité prévue. Avec aussi les risques que cela peut comporter, à savoir des élèves non occupés après avoir terminé le travail hors ordinateur. Il faut donc prévoir au moins une "sortie de secours", c'est-à-dire un "travail" individuel ou de groupe pour les élèves en risque d'ennui. En un sens, on rejoint la pédagogie de Freinet et les pédagogies basées sur les méthodes actives. L'élève, sans l'assistance du professeur, doit pouvoir reprendre à tout instant un travail autonome parmi plusieurs et qu'il choisit.

 

En ce qui concerne le cours professoral, il n'existe aucune solution, sauf réduire ou le nombre ou la durée... et c'est là qu'on peut se trouver devant une remise en question de sa propre pédagogie.

 

Attention, je ne prétends pas qu'il faille supprimer les cours ou les leçons!... Les cours et certaines activités intéressant l'ensemble de la classe sont obligatoires dans l'enseignement et exigent l'attention ou tout au moins la présence effective de l'ensemble des élèves. Je rappelle que l'emploi en continu d'un micro-ordinateur en classe n'est absolument pas lié à un travail sur ordinateur du début à la fin d'une journée scolaire mais qu'il faut SEULEMENT rechercher et les méthodes et le temps de travail justifiant la meilleure exploitation de la machine par l'enseignant pour ses élèves.

 

Pour donner un ordre de grandeur, un fonctionnement d'une moyenne de 3 à 4 heures sur 6 (c'est-à-dire une journée scolaire) paraît correct, ce qui, je le signale, pour un micro-ordinateur seul dans une classe correspond SEULEMENT en moyenne à une durée de passage de 6 à 8 minutes par jour et par élève dans le cas de passages uniquement individuels.

 

Dans l'emploi d'un micro-ordinateur au sein d'un enseignement, le plus extraordinaire est que la machine "va avoir tendance" à pousser l'enseignant plus loin qu'il ne pensait aller de prime abord... je parle par expérience... donc à généraliser dans la classe l'emploi de groupes de niveaux dans des matières traitées hors l'ordinateur mais même à pousser vers une fragmentation en continu du travail scolaire, l'ordinateur employé au sein d'une classe exigeant des rotations continuelles, individuelles ou de groupes.

 

Par contre, le problème devient totalement différent lorsqu'on introduit plusieurs micro-ordinateurs employés en continu dans une salle de classe. Des problèmes spécifiques apparaissent que nous traiterons dans un chapitre ultérieur.

 

C'est l'ordinateur qui aspire l'enseignant vers une pédagogie de niveau!"

 

Et en même temps le plus évident pour ne pas dire le plus amusant, est l'obligation qui va apparaître à l'enseignant de créer des groupes de niveaux de deux sortes.

 

Des groupes de niveaux horizontaux... c'est-à-dire des groupes d'élèves de même valeur scolaire sur une matière donnée... et verticaux... c'est-à-dire des groupes d'élèves dont certains peuvent aider les plus faibles à "accrocher" une difficulté.

 

Parlons concrètement... et entrons dans une classe donnée... la mienne en l'occurrence... et un jour donné.

 

L'exercice de dictée... dont nous avons tous souvenance même si nous n'appartenons pas au corps enseignant... et quelquefois triste souvenance, n'est-ce pas ?... se déroulait autrefois (et même trop souvent de nos jours) d'une manière parfaitement claire... à savoir la même dictée pour tous, si possible choisie en fonction du niveau moyen de la classe ou même de critères autres... après quoi, on comptabilisait honnêtement les fautes selon un barème préétabli et strict, la dictée se terminant par un périlleux exercice de calcul mental pour l'enseignant.

 

Qu'importait qu'un quart de la classe pour qui l'exercice était facile fasse zéro ou une faute, qu'un autre quart voit naître dans la marge de la page une forêt de barres rouges et que, de temps en temps, quelque "surdoué" batte régulièrement des records phénoménaux pour ne pas dire fabuleux ou quasiment historiques du genre 30 à 40 fautes qui égayaient autrefois les discours pédagogiques des enseignants dans les cours de récréation.

 

On oublie trop la règle première de toute pédagogie. Elle doit impérativement être l'ADAPTATION du travail au niveau de l'élève. Quand inscrira-t-on au fronton de l'Education Nationale et en lettres d'or s'il vous plaît "A CHACUN SELON SES POSSIBILITES" à la place de "A CHACUN SELON SON MERITE" ?

 

Revoyons notre exercice de dictée sous un angle nouveau... J'ai dans ma classe un ordinateur capable de "travailler" avec des élèves et une fort conventionnelle dictée prévue dans le courant de la matinée...

Me voici donc avec l'impératif de trouver du temps libre pour, si j'ose m'exprimer ainsi, occuper le micro-ordinateur. Comment donc concilier dictée pour tous les élèves (et au niveau de chacun) et programme pour un ou quelques élèves?...

 

La seule réponse possible est "par un morcellement profond du travail". Il s'agit en fait de trouver un travail pour tous, différent suivant le niveau des élèves, donc aussi chercher à adapter si c'est possible, le travail général à cet objectif.

 

De belles paroles, penseront certains mais le problème est quasiment insoluble dans la réalité!...

 

Abordons le problème sous l'angle concret, c'est-à-dire prenons un exemple d'application sur le terrain.

 

Ou, si vous préférez, voyons donc comment je vais me "débrouiller"...

 

Je m'occupe d'une classe cours moyen I et II , c'est-à-dire d'enfants d'une dizaine d'années. J'ai créé depuis le début de l'année scolaire des groupes de niveaux pour la dictée... en gros 4 groupes...

les "niveau 1" ou "superchampions" qui écrivent pratiquement correctement l'orthographe et font sans préparation et avec très peu de fautes une dictée d'une douzaine de lignes...

les "niveau 2", un peu plus faibles mais qui peuvent effectuer une dictée non préparée sans que ce soit forcément la catastrophe...

les "niveau 3" capables seuls de préparer convenablement une dictée assez longue si l'envie leur en prend...

les "niveau 4" capables de préparer convenablement une dictée pas trop courte...

 

"les niveau 99" ou "vieille garde" toujours aussi imprévisible, joyeuse et sans complexe et dont on doit limiter impérativement la dictée soit disant préparée entre le titre écrit au tableau et deux ou trois phrases...

... étant entendu par ailleurs que ces groupes n'ont RIEN d'immuables et que les élèves passent au niveau supérieur ou inférieur en fonction de leurs résultats après CHAQUE dictée, après leur analyse par les deux parties intéressées, à savoir l'élève et moi.

 

Le niveau 99 a tendance à disparaître rapidement lorsque l'élève a appris qu'en préparant SEUL ET SANS AIDE une dictée de trois ou quatre lignes, il est capable avec un minimum d'ATTENTION PERSONNELLE de réaliser une dictée préparée sans faute. Ce niveau ne subsiste alors que pour les élèves des groupes 3 ou 4 qui "oublieraient" de temps à autre durant l'année scolaire de préparer la dictée en cours.

 

Pour donner un ordre de grandeur, compte tenu que l'effectif de chaque groupe varie d'une dictée à la suivante en fonction des résultats, sur une classe de 27 élèves de l'année scolaire 81-82... il s'agit d'une classe de bon niveau général je le précise... ce matin-là, 11 élèves étaient inscrits au groupe superchampions, 5 au groupe 2, 8 au groupe 3, 3 au groupe 4.

 

Revenons à l'intérieur de la classe, ce matin-là du mois d'Avril... dans une demi-heure, tous les élèves doivent "exécuter" la dictée préparée ou pas...

 

Pour ce début de matinée j'ai donc distribué le travail... une dictée d'une douzaine de lignes, non préparée pour le groupe "superchampion", à préparer pour le groupe 3... une moitié de dictée (sept lignes), non préparée pour le groupe 2, à préparer pour le niveau 4.

Il reste donc 16 élèves dispensés de préparation de dictée (groupe 1 et 2)... J'ai prévu pour eux... c'est marqué sur le cahier-journal, rédaction de dissertation française ou travail personnel avec en alternance passage en groupe de 3 ou 4 au programme "Dates de l'Histoire"...

3 (deux filles et un garçon), ont déjà "sorti" une invraisemblable collection de livres et continuent la préparation d'un dossier sur la naissance... cela fait 3 semaines qu'ils y travaillent d'arrache-pied... (et "me" donneront un dossier magnifique digne de figurer dans une bibliothèque d'infirmières ou de sages-femmes)... 3 entreprennent la préparation d'un dossier sur la commune qu'ils ne termineront jamais... 2 garçons ont décidé de poursuivre l'écriture d'un programme en "Mnemon" (il s'agit d'un Basic francisé pour les élèves et dont les ordres sont de caractère mnémonique)... 2 préfèrent lire et répondre à des fiches de lecture.... 4 seulement commencent ou terminent une rédaction dont un sur un sujet intéressant qui lui tient particulièrement à coeur et que je n'avais pas prévu. Une entreprend une poésie qu'elle copiera après correction sur le cahier de poésies de la classe. La dernière se plonge avec délices et avec mon autorisation quasiment exceptionnelle (mes autorisations sont toujours quasiment exceptionnelles et Dieu sait s'il y en a...) dans la lecture des "Malheurs de Sophie" qu'elle a commencée chez elle.

Un bon exemple de cette fragmentation du travail -qui préfigure le type de travail du XXI° siècle-, en fait l'introduction du choix personnel au sein des activités humaines.

 

Certains critiqueront ce mode de travail non dirigiste mais je m'empresse de dire que je dirige la classe à d'autres moments de la journée! Force m'est de constater avec tous les enseignants que les enfants travaillent avec plus d'ardeur lorsqu'ils choisissent leur travail. Que nous le voulions ou non, face à l'évolution accélérée des Sociétés devant les sommes de connaissances, d'agréments et de spectacles auxquelles elles se trouvent de plus en plus confrontées en continuité, le travail aura tendance à n'être admis dans le futur uniquement que si l'individu est motivé pour l'entreprendre!

 

D'autres penseront que j'ai pris un exemple facile avec la dictée. Mais on peut croire possible qu'après une leçon de mathématiques, par exemple, je donne des exercices de niveaux différents aux élèves et même qu'une partie de ces exercices... les plus faciles ou au contraire les plus difficiles... puissent avoir leur correction vérifiée par l'ordinateur.

 

Le résultat de tout ceci est non seulement une connaissance continue du niveau de possibilité de chaque élève pour une matière donnée et de sa progression mais aussi un travail à la portée de chaque élève de la classe... c'est, je le pense, facile pour un instituteur ou un professeur principal...

 

Nous venons d'avoir un aperçu du découpage de travail vers des groupes de niveau horizontaux ou même des individus.

 

Parlons maintenant de la création de groupes de niveaux verticaux, c'est-à-dire comportant en leur sein des élèves de niveaux scolaires différents. En fait, dans certains cas, l'ordinateur pousse à la création de tels groupes car devant certains logiciels comme ceux qui traitent de connaissances générales, on aperçoit rapidement l'intérêt de leur mise en place. En effet, un programme portant sur des connaissances diverses, peut être abordé par plusieurs élèves et l'aide bénévole des meilleurs devient utile à certains pour la bonne compréhension du travail ou pour l'obtention de résultats meilleurs... en règle générale, les enfants sont d'excellents pédagogues entre eux... (puisque par instinct autant que par nécessité, ils se placent plus facilement que les adultes au niveau de leur camarade).

 

Je conçois maintenant qu'un lecteur, professeur de Lycée ou de Collège, envie un tant soit peu l'instituteur que je suis, car il ne dispose peut-être pas de la même liberté, c'est-à-dire de la même latitude de temps mais aussi de la même latitude au niveau des matières à étudier pour un emploi en continu d'un ordinateur.

 

L'introduction généralisée de l'informatique dans les Collèges et Lycées, en tant qu'outil pédagogique comme en tant que science, ne se fera correctement qu'après ADAPTATION des programmes du secondaire et sous l'autorité d'un professeur principal travaillant en collaboration étroite avec tous ses collègues et d'un professeur spécialisé en Informatique et Pédagogie Informatique. L'affaire d'une génération, une révolution de l'Enseignement, obligatoire pour tout pays qui se voudra moderne.

 

Je terminerai ce chapitre en précisant que l'emploi de plusieurs ordinateurs en classe permet de changer radicalement le mode de travail que je viens de décrire pour des raisons que nous verrons plus tard. En particulier, il exige plutôt l'abandon des passages en groupe à l'ordinateur. D'autre part, l'emploi de plusieurs ordinateurs autorise au niveau d'un CM1 et d'un CM2 d'éviter les dictées "préparées" du seul fait qu'il développe l'auto responsabilité de l'individu donc une possibilité plus forte de réflexion et une courbe de progression plus importante. L'expérience montre que ce type d'exercice a disparu à partir du moment où j'ai eu trois micro-ordinateurs en classe donc à partir d'un certain temps de passage pour chaque élève. Les progrès ont été nets et même quelquefois assez spectaculaires avec des élèves réputés peu doués dans l'exercice orthographique (voir les deux cas dans le chapitre analyse des résultats). S'il est certain qu'un didacticiel comme Terminaison de verbes aide les enfants à "domestiquer" les terminaisons des verbes, il n'en demeure pas moins que le développement de l'attention nécessaire à certains programmes, la découverte journalière et immédiate de l'auto responsabilité de son raisonnement permettent simplement à certains de s'adapter plus facilement et plus rapidement A TOUT NOUVEAU TYPE D'EXERCICE, donc en particulier à la dictée non préparée. Par contre les résultats sont moins nets dans les exercices mathématiques nécessitant un raisonnement logique plus évolué au lieu et place d'une simple application de règles grammaticales.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 5

 

 

 

LA PÉDAGOGIE STRUCTURÉE.

 

 

 

Apparaît donc la philosophie de l'Enseignement Informatisé c'est-à-dire en fait la philosophie d'emploi de l'outil qu'est l'ordinateur au sein d'un enseignement et quel que soit le type d'enseignement proposé.

 

Le lecteur serait peut-être tenté de penser qu'il s'agit essentiellement d'une technique d'emploi... Pas seulement... il s'agit aussi d'une conception générale de la pédagogie... d'un essai de structurer la science pédagogique selon des normes logiques. Je reviendrai plus tard sur ce point important. Pour l'instant, retournons à l'emploi de l'ordinateur en classe et considérons que la théorie d'emploi de l'EI est par essence un emploi toutes directions, vers toutes les possibilités liées à l'ordinateur et ce, sans aucune exclusive ni restriction, car la grande richesse de l'ordinateur reste ses extraordinaires capacités depuis la simple gestion d'une banque de mémoire brute jusqu'aux simulations ou aux interactivités les plus sophistiquées.

 

Il peut paraître étonnant que cette idée si simple d'un emploi généralisé de l'ordinateur en enseignement n'ait jamais effleuré les pédagogues de notre époque. Depuis de très nombreuses années, à la suite de remarquables travaux de psychologues tels Skinner, Piaget et même Papert, la recherche pédagogique s'est essentiellement tournée vers les phénomènes de compréhension, c'est-à-dire sur une recherche fondamentale et une analyse théorique des lois qui régissent le phénomène général de compréhension, puis sur l'application théorique à partir de ces lois. D'où des séries d'hypothèses pédagogiques basées soit sur une modification des contenus à enseigner soit sur une modification radicale des structures pédagogiques soit les deux à la fois mais toujours avec pour corollaire un rejet partiel et quelquefois malheureusement absolu de l'enseignement traditionnel puisque ne relevant d'aucune hypothèse psychologique des phénomènes de compréhension.

 

C'est ainsi qu'a procédé Seymour Papert dans son livre "Jaillissement de l'esprit" et les jugements sans appel pleuvent...

Laissons-le parler...

"... dans bien des écoles, aujourd'hui, l'expression "Enseignement Assisté par Ordinateur" signifie que l'ordinateur est programmé pour enseigner à l'enfant. On pourrait dire que l'ordinateur sert à programmer l'enfant. Dans ma vision des choses, l'enfant programme l'ordinateur et, ce faisant, acquiert la maîtrise de l'un des éléments de la technologie la plus moderne et la plus puissante, tout en établissant un contact intime avec certaines des notions les plus profondes de la science, des mathématiques, et de l'art de bâtir des modèles intellectuels..." (pages 15 et 16)

"... et même lorsque les enfants sont initiés par un de leurs parents, un camarade ou un professeur à l'élaboration d'un programme simple dans un langage comme le Basic, cette activité n'est pas accompagnée du genre de réflexion que nous observons dans les environnements Logo. C'est pourquoi je partage le scepticisme des critiques sur ce qui est fait de l'informatique à l'heure actuelle..." (page 42)

 

"... mais cette illustration de la manière dont l'ordinateur peut contribuer à la maîtrise du langage chez les enfants est en opposition flagrante avec la réalité que l'on voit se mettre en place dans la plupart des écoles primaires. L'ordinateur y est perçu comme une machine à enseigner. Cette machine permet aux enfants d'accomplir différents exercices - apprendre à distinguer les noms des verbes, orthographier des mots, répondre à des questions du type vrai ou faux sur le sens d'un texte... Cet écart de conception, à mon avis, dépasse très largement le cadre d'un simple choix technique entre deux stratégies d'enseignement. Il reflète en fait une opposition radicale entre deux philosophies de l'éducation. Il reflète même, et c'est plus grave, une opposition radicale entre deux visions de l'enfance et de sa nature profonde. Je crois que l'usage de l'ordinateur pour écrire et rédiger offre aux enfants la possibilité de se comporter davantage en adultes, voire en professionnels qualifiés, tant à l'égard de leur propre travail intellectuel que vis-à-vis d'eux-mêmes. Ce faisant, il est donc inévitable qu'il heurte de front l'école traditionnelle dont l'effet, sinon l'intention, est bien souvent " d'infantiliser l'enfant." (pages 44 et 45)

"...la salle de classe est à mes yeux un environnement artificiel et de rendement faible, inventé par une Société qui d'ailleurs n'avait guère de choix: ses environnements ordinaires sont trop pauvres en matériaux dans la plupart des domaines essentiels de l'apprentissage, tels que l'écriture, la grammaire ou les mathématiques scolaires. Je crois que la présence de l'ordinateur nous permettra de modifier l'environnement d'apprentissage en dehors de la classe de manière telle qu'une bonne partie, sinon l'ensemble, des connaissances de base seront abordées tout différemment: ce que l'école cherche à inculquer à grand peine, au prix de tant de dépenses, de souffrances et d'échecs, devrait pouvoir être acquis aussi simplement que la langue maternelle, avec plein succès, sans douleur, et sans enseignement organisé. Ce qui implique évidemment la disparition de l'école telle que nous la connaissons actuellement. Toute la question est de savoir si l'école actuelle saura s'adapter en se transformant radicalement, ou si elle devra disparaître et se voir remplacer par autre chose." (pages 19 et 20)

 

On pourrait trouver d'autres passages du livre relevant de cette même vision psychologique de la pédagogie... en fait, une vision qui englobe la condamnation à mort de l'école primaire telle qu'elle existe et en poussant un peu la disparition totale des bâtiments scolaires, des sociétés d'enfants qu'elles abritaient et des instituteurs ... qu'on ne s'y trompe pas... au nom soit disant d'une philosophie de pensée, en réalité au nom d'une théorie économique du rendement... payer un ordinateur à chaque élève reviendrait moins cher qu'entretenir un corps enseignant rétrograde!...

Avant d'aller plus loin, et sans nous prétendre son disciple au passage, rappelons à Seymour Papert que pour Piaget la vie de Société est un des facteurs primordiaux du développement de l'intelligence chez l'enfant.

 

Reprenons maintenant les différents passages dans l'ordre.

A propos du premier, je répondrais que tout enseignement, même l'auto enseignement si cher à Piaget, peut dans cette optique, être considéré comme un type donné de programmation ou même mieux de pseudo programme (j'emploie le mot de pseudo programme pour marquer que la nature même d'un programme intellectuel est totalement différente d'un programme d'ordinateur)... c'est-à-dire que toute acquisition intellectuelle de tout individu est soit un programme de données (ou de connaissances) soit un programme d'aide à la programmation, c'est-à-dire d'élaboration de la pensée, soit le plus souvent les deux à la fois...en comprenant qu'il existe une différence fondamentale entre eux et des programmes d'ordinateur, à savoir que ces programmes "humains" ne reposent pas sur un système de calculateur exact fonctionnant par tout ou rien comme dans un ordinateur mais vraisemblablement sur une espèce de continuum variable d'une somme d'acquis interprétés d'une manière "pré cognitive". Ils peuvent être extraordinairement complexes, imbriqués entre eux, basés sur des postulats psychologiques variables dans le temps et des séries de raisonnements subjectifs non nécessairement logiques, donc étayés de quantités d'erreurs, car tout pseudo programme même entièrement faux autant dans l'appréhension du problème que dans le déroulement, est en état de fonctionner jusqu'aux aberrations ultimes telles qu'en engendrent les schizophrénies...

Nous n'avons même pas la preuve que la pensée et la mémoire se forment de la même manière dans la tête de différents individus... et en tout cas, je serais plutôt amené à croire que les structures de fonctionnement des mécanismes cérébraux d'un seul individu pris dans leur intégralité sont beaucoup plus complexes que ne pourront jamais l'imaginer tous les psychologues de la planète.

 

En ce qui concerne le second passage, je pense qu'un langage de programmation quel qu'il soit, même le Basic, correctement employé, avec introduction d'une programmation ordonnée (ou structurée pour les puristes) et introduction des notions de variables peut très bien amener une concrétisation de la pensée formelle (ou pensée déductive) chez des enfants de neuf à dix ans et plus, autant au moins que le système Logo.

Quant au raisonnement des deux derniers paragraphes cités, il relève en partie d'une même erreur, à savoir une vision étriquée de l'enseignement c'est-à-dire une vision uniquement psychologique de l'enseignement.

 

Je dois ajouter aussi qu'une partie du corps enseignant porte une certaine responsabilité à cet état de fait pour avoir voulu reconnaître la psychologie comme seul fondement de la pédagogie. Il en a découlé que les psychologues ont ravi l'entière recherche pédagogique non seulement aux autres disciplines scientifiques mais qui plus est, aux pédagogues de métier, c'est-à-dire à ceux qui ont la responsabilité effective d'un groupe d'enfants. Loin de moi l'idée de prétendre que la psychologie n'a rien apporté aux enseignants!... Au contraire. Mais force est de constater qu'il ne suffit pas d'étudier les théories des mécanismes de fabrication de la pensée chez l'enfant pour être un enseignant heureux entouré d'enseignés heureux d'être éduqués!... L'enseignement est un vecteur élève-enseignant et il y a beaucoup à dire sur les rapports enseignants-enseignés. Ils apporteraient pas mal de découvertes sur la valeur réelle de la pédagogie dans notre pays !... Mais, je dois ajouter que la France n'est pas le seul pays où les résultats des recherches pédagogiques laissent quelque peu à désirer puisque, à lire Seymour Papert, actuellement, les psychologues en arrivent, devant l'accumulation des échecs scolaires, à envisager sérieusement la disparition pure et simple de l'enseignant...

 

Ah!... Que la pédagogie serait belle s'il n'y avait ni enseignants ni élèves... et que la psychologie serait facile s'il n'y avait pas d'individus!...

Je profite de cette mise au point pour rejeter aussi l'anathème coriace ... Papert n'est pas le premier à l'employer... qui plane au dessus de tout enseignant et qui consiste à dire : "un enfant apprend seul à parler et sans aucun effort sa langue maternelle ... faut-il donc que les enseignants soient nuls pour avoir tant de mal à inculquer quelques bribes d'un modeste savoir avec tant de difficultés !... et voilà bien la preuve que la pédagogie traditionnelle est à condamner à mort !"

 

Réfléchissons ! D'abord, la "pédagogie classique" de nos jours est une "pédagogie d'avant-garde" par rapport à celle qui la précédait et "d'arrière-garde" pour la suivante... Ensuite, reportons notre intérêt sur " l'enfant apprend seul la langue maternelle"...

 

Un enfant "manie" sa langue du matin au soir... même la nuit lorsqu'il rêve... l'apprentissage de la parole relève du même type d'apprentissages que ceux de l'interprétation de la vision, du fonctionnement de la main, de l'équilibre de la marche... c'est la quantité en continu qui apprend ou si l'on préfère la continuité des structures successives.. on pourrait parler de strates... que la raison ou l'organisation biologique générale d'un individu élaborent à partir des expériences de type itératif.

... un bébé gazouille des heures entières... il produit des sons aléatoires et met en place dans sa mémoire les briques sonores des mots à venir... ce qui par ailleurs dans un autre ordre d'idée, tendrait à prouver que la méthode analytique de lecture est indispensable à la mise en mémoire des briques visuelles de la lecture globale à venir...

 

Pour revenir à la théorie de Seymour Papert, si le système Logo facilite le passage à la pensée formelle, c'est vrai, je ne pense pas que le seul fait de promener, même par programme, une tortue sur un écran, transcende tous les élèves jusqu'à pouvoir se passer entièrement d'un enseignant et comprendre sans difficulté toutes les mathématiques à venir de la "Mathémathie", le cher pays des Mathématiques de Monsieur Papert.

L'enseignement est bien trop complexe pour cela et les visions manichéennes de la pédagogie sont toujours contredites par les échecs qu'elles engendrent régulièrement. N'oublions jamais que plus un enseignement est "sophistiqué", plus les risques de catastrophe sont grands... après tout, si du cours élémentaire 1 au cours moyen 2, donc pendant quatre ans, on obligeait chaque matin, pendant dix minutes, tous les élèves à copier quelques phrases de français sans une seule faute, il n'y aurait plus autant d'analphabètes en France et l'orthographe serait apprise comme la langue maternelle, c'est-à-dire par répétition intensive et continue.

 

Ce que j'écris ici est le PARADOXE FONDAMENTAL DE LA PEDAGOGIE, à savoir que les hommes lui ont donné pour but d'apprendre le plus rapidement possible PAR RAISONNEMENT alors que la manière naturelle d'apprendre des enfants qui n'ont pas acquis le stade de la pensée formelle, est LA REPETITIVITE et L'INTUITION.

 

Autrement dit, plus un enseignement est sophistiqué, c'est-à-dire élaboré dans son organisation et son ensemble et fait appel au raisonnement complexe, plus les possibilités d'échecs sont élevées et plus un élève en difficulté a des risques de perdre pied et de ne plus jamais remonter à la surface. Il convient d'être bien conscient de ce phénomène mais je précise ici aussi que je ne condamne pas tout enseignement sophistiqué puisqu'il peut être éminemment profitable et beaucoup plus rapide et enrichissant que l'enseignement par répétition, à condition d'être à portée de l'élève. J'ajouterai qu'il faut les deux types d'apprentissage et ne pas considérer qu'il y a toujours antinomie entre eux même s'ils sont ou paraissent totalement opposés dans leurs objectifs et leurs finalités.

Le seul moyen efficace d'obtenir un résultat global satisfaisant pour un type d'acquisition rapide de connaissances est une appréhension du travail adaptée au niveau de l'élève, il faut dire de chaque élève, et une approche délimitée d'une connaissance quelle qu'elle soit qui exige le repérage des difficultés à franchir, c'est-à-dire une analyse systématique structurale de l'ensemble de la connaissance et sa décomposition en unités fragmentées. On revient à l'enseignement programmé, à Skinner et aux théories structuralistes de la pédagogie scientifique autrefois en vogue. Dans ces conditions, force est de considérer que "l'intelligence est une adaptation" (Piaget : La naissance de l'intelligence chez l'enfant - Delachaux et Niestlé) donc que le développement intellectuel "entre dans le cadre des deux fonctions biologiques les plus générales : l'organisation et l'adaptation" (Piaget : idem).

 

Nous devons convenir que toute adaptation est variable suivant l'individu, et que si certains ont une facilité d'accommodation et d'interprétation spontanée d'un phénomène intellectuel, d'autres ont une difficulté au même niveau. Les processus de compréhension et d'assimilation se bâtissent correctement avec des éléments bien assimilés, mal avec des éléments partiellement assimilés, ne se bâtissent plus avec des éléments mal assimilés. Phénomène que nous reconnaîtrons, si l'on nous demande d'apprendre une langue étrangère à partir de l'étude globale d'une phrase avec cette tendance que nous allons avoir instinctivement à "nous accrocher aux sens particuliers des divers mots et à reconstruire la phrase avec le nouveau vocabulaire acquis pour mieux assimiler la construction même de la phrase". Le processus normal d'interprétation globale du sens d'une phrase n'intervient spontanément qu'à partir d'une acquisition d'une certaine quantité de vocabulaire qui autorise une organisation ou tout au moins une pré organisation immédiate du sens de la phrase au sein de la pensée. Il existe un danger à faire l'impasse sur la quantité de vocabulaire... C'est en fait un contresens logique !...

Au passage, nous remarquerons le parallèle entre l'étude d'une langue et l'étude de la lecture. Nous revenons au problème que posent les méthodes globales d'apprentissage de la lecture avec la remarque qu'un bambin n'est pas forcément capable de reconstruire en entier la fabrication de toutes les articulations syllabiques.

 

Je ne voudrais pas poursuivre sans cependant signaler que l'ouvrage de Papert demeure passionnant sur bien des points. Loin de moi l'idée de considérer la tortue Logo et les études menées autour comme une niaiserie. Elles sont parmi les plus passionnantes et les plus prometteuses d'une branche de la pédagogie moderne et n'ont nul besoin pour cela de condamner tout le reste de la pédagogie!

 

Revenons donc à la pédagogie prise dans son intégralité et non sous le seul angle des mécanismes de compréhension au niveau psychologique et, de plus, essayons de porter une analyse de type structurel c'est à dire logique sur la pédagogie de relation ou de vecteur enseignant-élève. Cette pédagogie peut au départ être considérée comme l'étude d'un triangle (triangle composé de vecteurs de longueur variable) dont les sommets seraient : enseignant, objet à enseigner, élève.

C'est cet aspect du problème qui intéresse en premier tout enseignant car pour lui, l'enseignement est essentiellement relationnel et le but ultime de sa pédagogie est le passage d'une situation de départ "enseignant + objet" d'un côté et "élève - objet" de l'autre à la situation d'arrivée "enseignant + objet" et "élève + objet", l'objet étant à l'évidence l'objet à enseigner. Le schéma est simple, trop simple pour ne pas soulever de critiques, mais il a le mérite de bien montrer en fait les questions essentielles, à savoir: Quel objet ?... Quel enseignant ?... Quels élèves ?... Quels liens entre eux ?...

 

La résolution de ces questions en apparence si simples au départ, passe en fait par une série de lois plutôt complexes.

 

D'abord, prenons un exemple concret et supposons un enseignant plus un élève en bas âge. Prenons pour objet "attraper une balle". Nous allons rencontrer tous les cas d'espèces, on pourrait dire les divers schèmes logiques possibles liés à une transmission de connaissance.

 

Cas normal: L'enseignant jette la balle et l'enfant placé à un mètre l'attrape. Ca a marché!... l'enfant a appris à attraper une balle d'un certain type (il faudrait entendre par type dans le cas qui nous intéresse des caractéristiques genre volume, distance ou vitesse), le maître a transmis une connaissance à l'élève, tout le monde est content et l'enseignant est satisfait...

 

A-t-il raison d'être satisfait ?... A priori oui, mais à regarder de plus près, une restriction s'impose pour un cas d'espèce...

... et si l'enfant savait auparavant attraper une balle lancée avec les caractéristiques définies plus haut ?

... Réponse : il n'a rien appris !

 

... allons plus loin dans le raisonnement... si l'enfant avait été bien plus éloigné de l'enseignant, l'exercice eut été plus difficile et l'enfant aurait appris ...

 

Bravo !... Reculons l'élève et recommençons... Ça marche... pour la première fois de sa vie, l'élève a attrapé une balle lancée d'une distance de dix mètres... Il y a acquis... (et encore à condition d'être vraiment certain que l'élève a réalisé l'exploit pour la première fois!...)

Poursuivons... Le temps des précepteurs (et de la marine à voile) étant révolu, notre enseignant a toute une classe en charge, c'est-à-dire une trentaine d'individus différents les uns des autres, des musclés, des nerveux, des rêveurs, des mauvais caractères, des bavards, des myopes... Il place un second enfant au même endroit que le premier... à dix mètres... vous devinez ce qui arrive même après une série d'essais ... celui-là n'avait auparavant jamais attrapé une balle et même... je vais plus loin... à la suite d'une naissance difficile, a depuis toujours des difficultés au niveau de la coordination de ses activités motrices et est pratiquement incapable d'attraper une balle même à moins d'un mètre... est-il responsable?... je pose une question à première vue stupide... mais si un enfant est cliniquement lymphatique ou héréditairement incapable de raisonnement complexe... est-il responsable ?

... trop d'enseignants répondront NON en lisant ces lignes et OUI par leur comportement au sein de leur classe !...

 

Apparition donc d'une difficulté inhérente à la profession... le nombre d'élèves, donc la diversité...

 

Mais est-ce tout ?... Revenons au point de départ de notre exemple et considérons un nouvel enseignant, l'ensemble des élèves et la balle... L'enseignant se propose d'apprendre à ses élèves d'attraper une balle en sautant. Pour ce, il les place tous à trente mètres et leur expédie la balle "largement" au dessus du crâne... le résultat prévisible... à part quelques doués (je n'ai pas osé écrire "surdoués"), une majorité d'échecs...

 

L'expérience a-t-elle été profitable ?...

 

Si vous ne réfléchissez pas, vous allez porter un jugement négatif, en fait un jugement global, mais attention... à regarder de plus près, l'exercice a été positif pour certains ... ceux qui ont réussi pour la première fois à réaliser l'exploit... ceux qui ont failli réussir et réussiront la prochaine fois ou dans quelques temps... mais il a été négatif pour d'autres... pour ceux qui étaient dans l'impossibilité effective d'attraper la balle, pour ceux qui ont jugé l'exercice impossible... Notez la différence au passage... avec en fin de compte, au bout d'un long chemin d'essais ratés, probablement de graves conséquences à de trop longues suites d'échecs de ce type... en particulier des comportements négatifs devant toute difficulté... Nous voilà bien au coeur même du drame de l'échec scolaire et de son accroissement par les temps qui courent!

 

En réalité le problème est complexe. C'est l'Echec Répétitif qui est condamnable car plus qu'une réussite, l'échec par lui-même, en lui-même, porte les fruits d'une acquisition à venir. S'il est vrai que l'excès de difficulté peut sublimer, transcender certains individus en les incitant à tenter l'impossible, il ne doit pas être systématique sinon le seul résultat tangible sera le découragement.

 

Continuons et prenons le cas de figure inverse. Un troisième enseignant, disciple certain de Skinner, décide d'éviter l'erreur à tout prix. Il place donc tous les élèves à un mètre et leur lance la balle avec le plus de précautions possibles. Le taux de réussite est extrêmement élevé, on s'en doute.

 

Reposons la question de base. L'expérience a-t-elle été profitable ?

Notre enseignant dira: Oui! Une réussite totale! Pas un seul échec!

Mais il sait au plus profond de lui-même qu'il a tort!

 

L'expérience a-t-elle vraiment été profitable pour tous?

 

Je donne la réponse évidente... globalement non, mais positive pour certains... le traumatisme de l'échec ne risque pas d'exister et si cela peut prêter à sourire, il convient de demeurer conscient qu'une simple réussite dans un océan d'échecs est éminemment profitable. Les enseignants, par définition anciens bons élèves, ont tendance à négliger les conséquences d'une suite ininterrompue d'échecs au niveau du comportement profond des individus. La marque d'un bon pédagogue est de savoir donner de temps en temps, une excellente note doublée de félicitations à celui qui a une tendance naturelle à collectionner les mauvaises, quitte à devenir un tantinet myope, et inversement si l'occasion se présente, une mauvaise note, à celui qui n'en a que d'excellentes, quitte à forcer un peu la chute. Car ces deux extrêmes que sont l'élève sans motivation, accablé par un "sort" toujours contraire et l'élève "hypermotivé", toujours à la poursuite d'une perfection ultime, sont des cas typiques... j'ose dire même les produits ubuesques de ce monde manichéen et féroce dans sa manière à juger qu'est toute société scolaire... relevant presque de comportements pathologiques et se retrouvant à la limite autant désarmés l'un que l'autre devant la vie car celle-ci ne peut entièrement être faite d'échecs ou de réussites.

 

L'échec et la réussite doivent aussi s'apprendre...

 

Et le malheur de l'enseignement scolaire est que, pour ces cas limites, la salle de classe peut très facilement devenir un environnement aussi faux que culpabilisant.

 

Continuons notre démonstration et reprenons l'exemple de base, à savoir le triangle enseignant-objet-élève.

 

Revenons au sommet du triangle, c'est-à-dire l'enseignant. Nous n'en avons pas encore fini avec lui. Supposons donc un nouvel enseignant qui place les élèves à trois mètres de lui mais qui a choisi une balle si extraordinaire qu'elle va toujours trop loin, hors de portée des élèves... ou un autre qui lance une balle chaque dix minutes... ou un troisième qui explique pendant une heure la décomposition graduelle de tous les mouvements à effectuer pour attraper la balle (comportement typiquement enseignant d'ailleurs que celui-là)... Vous devinez la suite... l'exercice n'est pas résolu par bon nombre d'élèves... à qui la faute?... certainement pas à tous les élèves qui ont échoué! Je laisse les enseignants méditer sur ces trois dernières images...

 

Reprenons le cours de notre démonstration...

 

Et si encore c'était fini... mais nous allons voir apparaître de nouvelles difficultés dans la transmission de la balle... et la balle ?... avez-vous bien songé à la balle ?... je ne parle pas de la couleur que chaque nouveau Ministère s'empresse de changer en pensant que c'est bien là l'essentiel, (il s'agit, vous l'avez deviné, du CONTENU des "nouveaux programmes" qui tendent d'ailleurs et régulièrement à prouver que les "anciens" étaient mauvais), je parle du volume... un simple petit mot pour le cas d'une balle remplacée par un énorme ballon de cuir, si large qu'aucun enfant ne pourrait le saisir (cas d'un enseignement hors de portée des élèves) et que quelquefois l'enseignant n'a même pas la capacité de jeter (cas d'un enseignement non maîtrisé par l'enseignant). Et que penser encore de cette autre tendance naturelle des Ministères de l'Education à transformer les balles les plus simples en énormes montgolfières plus ou moins dégonflées et à s'étonner ensuite que les professeurs et les élèves s'étouffent dessous. Mais qui donc a autrefois prétendu que mieux valait tête bien faite que tête bien pleine?...

 

Redevenons sérieux et supposons un enseignant prêt à lancer correctement la balle à un élève théoriquement assez habile pour l'attraper...

 

Question : Est-ce une réussite sûre et certaine ?...

 

Eh bien non, pas du tout... car il reste le troisième sommet du triangle, l'élève. Ou pour employer une image d'une autre géométrie, il reste la cible du vecteur ou une image plus amusante ...la pomme, si l'enseignant est Guillaume Tell, la connaissance à transmettre la flèche et l'arc la pédagogie...

 

Malheureusement, un élève ne sera jamais une pomme... Nous avons vu les erreurs possibles de la part de l'enseignant, voyons les erreurs possibles du côté de la cible...

 

Reprenons l'image enseignant-balle-élève...

 

Soyons conscient que rien n'oblige l'élève à attraper la balle s'il n'en a pas envie, c'est-à-dire s'il n'est pas motivé...

 

Regarder une tortue... une vraie... qui passe son bonhomme de chemin peut avoir plus d'intérêt!... Rêver un monde de fleurs et de récréations éternelles au fond d'un champ de luzerne tout contre un ruisseau paresseux, ou un univers d'engins spatiaux et de robots sur quelque pente d'une planète perdue... bref, et s'ils sont trente... et si la leçon s'éternise... et c'est si agréable de papoter... Quel adulte leur jetterait la pierre?... Essayez donc de tenir une conférence portant sur un sujet aussi passionnant que l'évolution des barèmes de notification des inspections primaires de 1886 à 1914 dans les départements ruraux, devant trente instituteurs enfermés dans une pièce aussi grande qu'une salle de classe et essayez d'obtenir le silence après une heure de discours!...

 

C'est l'intérêt porté à un objet qui peut seulement retenir l'attention d'un individu !... ou... important... l'intérêt au porteur de l'objet!...

Et c'est le porteur de l'objet qui doit montrer l'intérêt de l'objet!...

En fait, même si pour beaucoup de mes confrères l'idée sera outrancière... qu'ils me pardonnent... en fin de compte, l'enseignant est un colporteur, un simple camelot... oui, mais un colporteur de bribes de connaissances, un camelot de l'intelligence... Il faut apprendre à vanter sa marchandise!

 

Vu sous un certain angle, à la limite, on pourrait énoncer que tout grand acteur est forcément bon pédagogue et par réciproque, tout grand pédagogue forcément bon acteur!

 

Ces quelques remarques sont là pour rappeler que quel que soit la théorie pédagogique en vue, théories générales, psychologiques, scientifiques, structuralistes, le rapport enseignant-apprenant est à la base le plus important. Combien de parents, pour avoir imposé un travail à leur progéniture en dehors de l'enseignement scolaire et s'y être mal pris, psychologiquement parlant, ont "bloqué" l'enfant au point de le "complexer" ou le faire paraître idiot?

 

Combien de mères (et de pères) ont cru bien faire en "aidant" systématiquement dans son travail scolaire l'enfant à la maison jusqu'à apprendre les leçons avec eux, jusqu'à faire les devoirs pratiquement à leur place? Résultat: L'enfant attend (lui aussi systématiquement) qu'un adulte veuille bien l'aider ou pire fasse le travail à sa place! Plus grave... Combien de pères (et de mères) ont pris des colères tapageuses jusqu'à terroriser leur gosse qui refuse de comprendre ce qui est aussi évident que le nez au milieu de la figure? Résultat: des enfants toujours incapables d'autonomie, paralysés par le travail et en perpétuelle épouvante devant le prochain échec inévitable de tout ce qu'ils doivent entreprendre.

 

On peut estimer à 5% le nombre d'élèves dont l'intelligence est pratiquement fusillée par l'excès d'amour ou d'ambition des parents!

 

Il appartient encore de déterminer ce qu'on doit enseigner. Je laisse ce problème ardu s'il en est car variable en terme d'individu, de temps et de société, en remarquant seulement qu'il faut toujours préférer donner l'Art de bâtir et des briques plutôt que des constructions préfabriquées. Ou, par exemple, pour parler concret, plutôt que donner stupidement aux élèves les formules donnant la surface du parallélogramme, du trapèze, du losange, de l'hexagone régulier, leur apprendre à calculer toutes ces surfaces uniquement à partir de celle du triangle. C'est plus intelligent, plus facile à apprendre et plus facile à retenir!

 

Tout ce discours pour mettre en évidence les véritables difficultés que rencontrent les enseignants. Il faut se pencher davantage sur le concret de l'enseignement et à la chère administration ne plus considérer le monde enseignant comme un corps d'ectoplasmes transparents incapables de vérifier les théories abstraites d'une éducation qui ne peut que les dépasser. Le professeur dans une classe ne sera jamais un chef conduisant un orchestre philharmonique d'élèves parfaits exécutant une partition dont l'auteur serait l'Education Nationale!

 

Revenons aux problèmes liés à la transmission d'une connaissance. Celle-ci dépend donc de l'enseignant mais aussi de l'élève pris en tant qu'individu.

 

S'il est possible de capter l'attention défaillante d'un élève par une certaine "présence d'acteur", un certain art gestuel, une intonation de voix, nous allons nous heurter au problème central du pourquoi de l'échec scolaire. Je ne parle pas du refus volontaire lié à un problème de comportement ou à l'environnement familial, encore qu'une part importante du refus puisse être du domaine de ce qui suit.

 

L'acquisition volontaire de connaissances d'un individu tient encore au caractère même de l'individu. C'est en apprenant la programmation à mes élèves que j'ai constaté ceci. Car, au départ, aucun d'eux ne connaissant un seul concept de programmation, je pouvais les considérer pratiquement tous à peu près à égalité devant la série d'obstacles que je me proposais d'essayer de leur faire franchir. Je sais bien que ceci ne peut être entièrement exact car les lois de programmation sont résolues à partir de concepts extérieurs à la programmation même, mais disons bien qu'au départ, à peu de chose près, les élèves se trouvaient "sur la même ligne".

 

Or, à bien réfléchir... et l'observation du comportement des enfants devant la série d'obstacles intellectuels qui allaient se présenter le montre, toute acquisition intellectuelle relève non seulement d'une motivation propre à un individu mais de ce que je nommerais une potentialité de l'instant. Cette potentialité essentiellement intuitive représente une fraction plus ou moins variable de la potentialité réelle maximale ou potentialité effective de l'élève, elle-même variable dans le temps comme le montrent par ailleurs les résultats obtenus à certains programmes d'enseignement sur ordinateur qui ne font intervenir que la potentialité réelle des individus.

 

La potentialité intuitive est très proche de la potentialité réelle chez certains mais présente des différences quelquefois importantes chez d'autres. En effet, elle dépend de plusieurs facteurs, à savoir en particulier d'une évaluation elle-même intuitive de la difficulté, évaluation difficile que nous faisons tous, toujours rapide et quelquefois fausse. Tous les enseignants du primaire connaissent des élèves dont le système d'évaluation du niveau de difficulté d'un exercice quel qu'il soit consiste à mesurer d'un oeil expert la longueur de l'énoncé et amène au raisonnement suivant : "Plus c'est long, plus c'est difficile, donc ... premier corollaire ...au dessus de mes capacités et donc ... corollaire suivant ... lire avec attention l'énoncé est une perte de temps évidente ". Honnêtement, pourquoi se pencher sur un travail qu'on est incapable de faire !... C'est bien perdre son temps... Et les enfants sont honnêtes par définition...

 

J'ai pris des cas extrêmes mais cette évaluation instinctive que nous faisons tous, handicape plus subtilement et profondément les élèves même quelquefois excellents car elle diminue la motivation donc la potentialité effective. Tout est lié. La potentialité effective dépend d'une évaluation par intuition de sa propre connaissance face à une difficulté inconnue. Un caractère tendant à sous-évaluer constamment sa propre potentialité va donner un individu qui, à la longue, pourrait être tenté d'exagérer cette sous-évaluation par simple habitude de confort intellectuel si j'ose dire donc aussi d'exagérer systématiquement les risques inhérents à toute activité humaine et en particulier à sa propre activité.

 

Si donc la potentialité effective d'un individu dépend en partie d'une évaluation instinctive, elle répond aussi de la motivation intrinsèque à une expérience de la vie quelle qu'elle soit, c'est-à-dire à un facteur de curiosité et d'intérêt. Les enfants sans exception ont un facteur de curiosité extrêmement élevé qui tendrait donc à lutter normalement contre une sous-évaluation de leur potentialité intuitive. L'ordinateur est une machine si merveilleuse à leurs yeux qu'elle sublime cette potentialité d'abord par appel à la curiosité mais surtout pour ses principes interactifs ou de dialogues immédiats si l'on préfère.

 

L'enfant est ACTIF avec l'ordinateur.

 

Or, tout est lié. Toute acquisition fait progresser une potentialité réelle qui aspire la potentialité intuitive vers le haut. Je ne prétends pas par là que l'ordinateur fabrique des génies mais que, tout enseignant possédant un ordinateur dans sa classe pourra le confirmer, les élèves... la totalité... oui, j'écris bien la totalité... sont amenés non pas à se surpasser comme nous dirions dans le langage courant mais à élever leur potentialité intuitive c'est-à-dire à mieux accepter et surmonter la difficulté de l'obstacle à franchir.

 

C'est pour cette raison et pour l'aide au raisonnement logique que l'ORDINATEUR REND LES ENFANTS PLUS INTELLIGENTS!

 

Or, le monde de demain va exiger plus d'intelligence (et peut-être moins de diplômes)!...

On devine l'intérêt de l'ordinateur pour l'enseignement des enfants handicapés scolaires.

 

 

 

C'est aussi parce que l'ordinateur augmente la durée du temps réel d'effort d'apprentissage de chaque élève normalement plutôt faible dans une salle de classe que le rendement du travail peut être multiplié par 3 ou 4 ou plus, en fonction du temps de passage journalier de chaque élève à un ordinateur, multiplié par 10 et plus pour plusieurs ordinateurs.

 

Bibliographie

Seymour Papert : Jaillissement de l'Esprit - (Flammarion)

Piaget : La naissance de l'intelligence chez l'enfant - (Delachaux et Niestlé)

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 6

 

 

 

THÉORIE DE L'ENSEIGNEMENT INFORMATISE

 

 

 

 

Nous avons vu, au chapitre précédent, les difficultés inhérentes à l'enseignement et l'étude sous forme structurale de la pédagogie. Le résultat le plus tangible et le plus regrettable à tout type d'enseignement en groupe (car la classe est un groupe), est une démotivation proportionnelle à l'importance numérique du groupe. Démotivation croissante, globale ou partielle à l'enseignement d'une part importante de la population scolaire due autant à des séries d'échecs, à une non motivation ou à un ennui larvé et répétitif devant l'inaction. Des enseignants ont cherché à y remédier par l'emploi de méthodes dites actives qui permettent une participation effective et directe de l'élève à une activité. A la limite, peu importe l'activité, ce sera toujours mieux que rien!... Mais cette participation directe, si elle est facile pour beaucoup de travaux divers, va buter à un moment sur la difficulté inhérente à certains types d'acquisitions intellectuelles évoluées. Une remarque en passant... L'ordinateur est particulièrement apte à projeter tous les types d'acquisitions dans la direction des méthodes dites actives toujours par la possibilité de la relation directe élève-didacticiel. Nous appelons didacticiel tout programme (ou logiciel) destiné à enseigner. Imaginez donc un élève "jouant" avec un didacticiel traçant à la demande les courbes de toute fonction algébrique... j'écris bien jouant... dites-vous bien que cet élève pourra vivre physiquement l'influence d'un coefficient, comparer des fonctions de même famille et se lancer ensuite dans une recherche personnelle. Supposez même qu'il pense:

--- Et si je cherchais "ce" qui dessine le cercle ?...

Et voilà l'intuition en marche avec l'expérimentation. La logique c'est-à-dire la mise en place d'un essai de raisonnement déductif suivra naturellement...

 

Reprenons l'image du triangle enseignant-objet-élève. Ajoutons une machine stupide mais capable sur ordre de l'enseignant d'effectuer automatiquement une série de lancers de balle en direction d'un élève. Il s'agit bien d'un ordinateur puisque machine obéissant à une suite ordonnée d'ordres pour effectuer la série de lancers. Voyons les problèmes et solutions amenées par cette machine.

 

Première question : Qu'est devenu notre triangle enseignant-objet-élève?...

 

Ne répondez pas sans réfléchir un carré (ou un rectangle ou encore un quadrilatère)... pas du tout. Notre premier triangle ne s'est pas transformé. Par contre, nous avons maintenant deux triangles, car une fois la machine supposée réglée correctement, rien n'empêche l'enseignant de lui tourner le dos et de lancer une balle à un autre élève.

"Aucune différence alors entre l'enseignant et la machine!"... pourrait penser le lecteur.

 

Permettez cependant une première réserve à cette affirmation et de taille. Le robot est stupide et l'ordre de fonctionner ainsi que le choix du didacticiel ne lui appartient pas. Il est laissé au libre arbitre de l'enseignant. Rien n'empêche celui-ci d'interrompre, s'il le désire, le fonctionnement de la machine. Il faut donc considérer celle-ci non comme un pédagogue averti même si, pour lancer la balle, les mouvements du bras mécanique sont plus coulés ou plus réguliers que ceux des bras du professeur de chair et d'os. Nous ne devons pas le prendre, tant que nous y sommes, comme un concurrent de l'enseignant au sein de sa propre classe, mais comme une machine-esclave au service de l'enseignant ou un simple outil capable d'une aide prodigieuse à toute pédagogie quelle qu'elle soit. Une simple machine qui multiplie les triangles enseignant-objet-élève.

 

A partir de là, l'enseignant dispose d'une stratégie d'emploi de l'ordinateur. C'est déjà une nouvelle dimension au sein de la pédagogie.

 

Les premières conséquences de l'Enseignement Informatisé apparaissent dans cet exemple. D'abord une possibilité facile d'augmentation du temps réel d'activité au niveau des élèves. Autrement dit, plus de temps d'activité et par conséquent, plus d'intérêt pour le travail scolaire.

 

Nous pouvons avancer aussi que tout enseignant se lasserait à lancer plusieurs fois et sans succès une balle à un élève et puisse laisser au bout d'un moment l'enfant sur un échec, d'autant que le reste de la classe abandonné à lui-même risque de donner des signes d'impatience. On conçoit aisément le nouvel avantage que peut apporter une mécanique: la répétitivité. La répétitivité dont nous avons auparavant montré l'importance qu'elle peut avoir pour certains élèves qui ne possèdent pas une pensée formelle élaborée et dont je rappelle qu'elle est la clef de voûte des apprentissages naturels tels la marche ou le langage, c'est-à-dire des apprentissages typiques avant l'âge de la pensée formelle. Les chers enseignants d'autrefois ne s'y trompaient pas qui instinctivement faisaient chanter allègrement et religieusement chaque matin les tables de multiplication ou la liste des départements français. Interrogez donc votre grand-père sur la liste des sous-préfectures... Vous serez étonné!... Non, votre arrière grand-père si vous êtes né après la guerre!

 

La répétitivité n'a qu'un ennui, elle n'a que peu d'action sur le raisonnement et ce n'est pas en récitant chaque matin la solution d'exercices mathématiques qu'on saura ensuite les résoudre tous systématiquement. Elle améliore cependant les résultats sur un exercice donné par le fait qu'elle élimine en partie les carences engendrées par la faiblesse des potentialités effectives ou intuitives de certains élèves.

 

Reprenons notre comparaison enseignant-ordinateur et voyons le triangle ordinateur-balle-élève.

Constatation évidente... Le choix du programme n'appartient pas au didacticiel. Par contre le choix des caractéristiques du lancer de balle peut appartenir à celui-ci en fonction des réponses de l'élève. C'est la recherche automatique du niveau de l'élève. Là aussi, tout enseignant doit savoir qu'un programme d'ordinateur peut s'adapter aux possibilités d'un interlocuteur non seulement à partir du choix de l'enseignant ou de l'étudiant mais automatiquement à partir du niveau des réponses fournies.

 

La recherche automatique du niveau de l'élève est trouvée soit par une analyse des résultats obtenus en cours d'exercice, soit à partir de résultats antérieurs mis auparavant en mémoire, solution qui permet par exemple d'interroger au départ l'élève sur les erreurs commises au ou aux exercices précédents. Il reste aussi la possibilité du choix d'un niveau par l'élève ou par l'enseignant, aucun de ces deux cas de figure n'étant à rejeter systématiquement et même jugés préférables à une recherche automatique de niveau pour certains types de didacticiels.

 

On ne doit pas perdre de vue les possibilités d'adaptation professeur-ordinateur au sein d'une pédagogie active. Aucune loi même n'interdit aux deux de "travailler" sur des chapitres différents ou des matières différentes. Plus concrètement, pendant que le professeur apprend toujours à ses élèves en difficulté à attraper la fameuse balle, la machine peut apprendre aux plus doués à attraper des bâtons de chaise ou même, dans une autre matière, à apprendre à sauter à cloche-pied... ou pour prendre un exemple réel, pendant qu'un enseignant travaille avec des élèves en difficulté l'approfondissement d'un exercice ou d'une leçon de mathématique relativement faciles, le programme peut demander à l'autre partie de la classe de résoudre une série d'exercices plus élaborés ou même les interroger sur un exercice de vocabulaire, une carte de géographie, une période d'histoire ou leur montrer le fonctionnement schématique et animé d'une réaction chimique ou d'une usine... pourquoi pas ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Inversement, l'enseignant peut être amené à mettre dans l'ordinateur un didacticiel destiné à des élèves en difficulté sur une question ponctuelle tandis qu'il se penchera sur les difficultés plus élevées d'une autre partie de la classe.

 

Ces exemples montrent la souplesse d'utilisation d'un ordinateur dans une classe au bénéfice des élèves. On pourrait presque parler de couple enseignant-ordinateur.

 

Remarquons au passage que l'ordinateur donne toute sa mesure dans la partie active des pédagogies. Lorsque le cours magistral s'impose, l'emploi d'un ordinateur est moins évident. Cependant, dans certains cas, il devient un outil absolument extraordinaire. Il peut servir de tableau noir mais c'est un tableau capable d'animation. Il peut simuler, donc offrir une représentation structurée de n'importe quel phénomène tant abstrait que concret... tant l'évolution théorique dans le temps d'un système écologique ou la représentation spatiale d'une équation que l'étude détaillée et fragmentée d'un téléviseur couleur ou l'ensemble des cartes de l'Empire Romain sur toutes les périodes de son Histoire...

 

C'est donc en résumé une certaine forme de préceptorat que l'outil informatique donne aux élèves! Un préceptorat différent du préceptorat classique, c'est l'évidence, mais bien un préceptorat puisque l'ordinateur est capable d'établir un dialogue constructif et évolué avec l'élève.

 

On devine la puissance fabuleuse de l'outil dans l'avenir.

Si l'ordinateur n'existait point, il eut fallu l'inventer rien que pour enseigner!... et bien comprendre par là que l'ordinateur est fait plus pour l'enseignement que pour la gestion des entreprises! On peut douter encore mais l'avenir donnera raison à cette affirmation.

 

Reste aussi que l'ordinateur est fait pour la gestion... Autant en profiter! Voilà encore une machine capable de gérer, imprimer des relevés de notes ou analyser statistiquement les résultats obtenus par les élèves sur un didacticiel ou, au niveau d'un établissement scolaire, assurer la maintenance d'un fichier des élèves à partir duquel divers autres programmes pourraient tirer à l'instant toute statistique ou tout imprimé destiné aux parents, aux professeurs des différentes classes ou à l'autorité académique...

Une remarque s'impose. La gestion des notes par un didacticiel intéresse l'enseignant pour les renseignements qu'elle est en mesure de donner sur un élève ou une classe en général. Dans ce cas précis, l'ordinateur en fait n'amène rien de particulier sauf un gain de temps, une possibilité de notation automatique, plus importante et plus stricte ainsi qu'une analyse globale ou une possibilité d'extrapolation programmée du travail à venir, toutes choses qu'un enseignant effectue en moins précis et en plus long sans ordinateur (s'il en a le temps !).

 

Revenons à la pédagogie! Au niveau de la classe, le plus important demeure les possibilités intrinsèques du dialogue élève-ordinateur d'une part et l'acquisition du raisonnement logique pour les élèves. Peu importe en fin de compte, même si elle demeure extrêmement intéressante pour l'enseignant, la notification ou l'analyse de résultats, car je rappelle que pour un enseignant, au départ, la relation humaine avec l'élève doit l'emporter sur le contenu d'un enseignement, les notes de l'élève ou l'ensemble des résultats d'une classe parce que l'élève prime l'enseignant et l'enseignement. C'est peut-être une conception humaniste de la pédagogie ou une conception philosophique de la vie. Je ne dis pas que le contenu du cours n'est pas important mais comprenons bien, ce n'est pas en présentant froidement un cours fut-il parfait, sans se soucier des élèves, qu'on obtient les meilleurs résultats. D'abord la relation humaine, le reste suivra plus facilement!

 

C'est l'enseignant qui doit se mettre à la portée de chacun de ses élèves et non le contraire.

Trop de professeurs du secondaire par exemple s'indignent souvent du faible vocabulaire de leurs étudiants pour ignorer encore après des années de métier que le vocabulaire des adolescents est fragmentaire. C'est le malheur de certains professeurs que de présenter un cours destiné à eux-mêmes et à personne d'autre jusqu'à en arriver à ces cours donnés en Faculté par certains professeurs et qu'aucun de leurs confrères n'arriverait à suivre. Il faut savoir que les adolescents, à plus forte raison les enfants, ne possèdent pas, sauf exception, la totalité du vocabulaire d'un adulte de surcroît enseignant, surtout au niveau d'une spécialisation. Ce n'est certes pas parce qu'un professeur prononce chaque année certains mots dans ses cours, donc que lui les entend régulièrement, que ces mots entrent dans le vocabulaire courant de l'ensemble de la population locale !... la question n'est même pas de savoir si un élève ou un étudiant dispose d'un vocabulaire "normal" pour son âge mais à l'inverse de savoir si ce que dit l'enseignant sera compris de tous, et de le vérifier, quitte à enrichir le vocabulaire de ses élèves ou à simplifier le sien.

 

Revenons à l'Enseignement Informatisé. Le plus important au niveau du concret reste donc la fabrication de didacticiels de qualité qui, en particulier pour l'Enseignement Informatisé doivent être des programmes adaptables le plus possible au niveau de chaque élève, soit automatiquement, soit sur intervention de l'enseignant ou, selon les cas, de l'élève. La pédagogie de niveau doit se transposer de la classe dans certains didacticiels. Pourquoi seulement dans certains?

Il existe différentes sortes de programmations et d'objectifs fixés à tous les didacticiels. Si la difficulté abordée est moindre ou seulement une difficulté circonstancielle ou de simple mémorisation, point n'est besoin d'avoir une programmation à niveaux. Par contre, si le didacticiel traite d'une question vaste ou d'un ensemble de difficultés, il devient nécessaire de prévoir une adaptation de celui-ci à chaque élève, adaptation automatique ou commandée par l'enseignant ou l'élève, peu importe.

 

Ici intervient ce que j'appellerais d'une part au niveau de tout didacticiel:

 

1° la BASE et le SOMMET du programme, c'est-à-dire les niveaux de complexité de la difficulté la plus simple et la plus compliquée. La progression doit être continue de la base au sommet.

 

2° le DIFFERENTIEL DE DIFFICULTE c'est-à-dire la distance entre la base et le sommet.

 

3° la HAUTEUR MOYENNE ou si l'on veut la difficulté moyenne traitée, à égale distance de la base et du sommet du didacticiel.

 

 

et d'autre part, au niveau de la population scolaire à laquelle est destinée le programme ou de ce que d'aucuns appellent le public-cible:

 

1° le PRE-REQUIS, c'est-à-dire le niveau d'aptitudes et de connaissances minimales requis au départ pour que le répondant puisse théoriquement traiter et éventuellement résoudre l'ensemble des difficultés du didacticiel.

 

2° le DIFFERENTIEL D'HETEROGENEITE de la classe, ou la distance entre le niveau du groupe d'élèves le plus faible et le niveau du groupe des meilleurs sur le sujet traité.

 

3° le NIVEAU DE CLASSE ou niveau moyen de connaissances et d'aptitudes des élèves de la classe.

 

Pour qu'un didacticiel soit au départ théoriquement adaptable à une population scolaire, il faut que sa base soit inférieure ou égale au pré-requis.

 

Pour qu'un didacticiel soit adapté à une population scolaire, il faut que son différentiel de difficultés englobe le différentiel d'hétérogénéité de la classe.

 

Pour qu'un didacticiel soit bien adapté à une population scolaire, il faut que sa hauteur moyenne soit supérieure ou égale au niveau de classe.

 

 

Plus un didacticiel est capable de s'adapter automatiquement au niveau du répondant, plus il élargit son différentiel de difficultés.

 

Ce sont d'une part la base et le différentiel de difficultés du didacticiel et d'autre part le niveau minimal du public-cible et le différentiel d'hétérogénéité propre à l'ensemble des élèves qui décident de la valeur de l'adaptabilité du programme.

 

 Tout dépend de la largeur du balayage des difficultés traitées (par exemple le traitement d'une série de difficultés de niveaux différents, faciles au début mais à complexités croissantes jusqu'à l'arrivée) ou si elles sont peu nombreuses, du niveau de la ou des difficultés abordées.

 

Il faut d'ailleurs décomposer au maximum ce genre de difficultés pour permettre le traitement logique du but poursuivi et l'adaptabilité au niveau de l'élève le plus faible de la population scolaire concernée par le didacticiel. Mieux vaut "taper" trop bas que trop haut, quitte à accélérer rapidement dans la progression des difficultés si le programme détecte que l'élève répond correctement. On ne doit pas oublier que les types de didacticiels employés dans EI sont destinés à être plus ou moins employés en continu au sein d'une pédagogie, donc que les élèves "passeront" plusieurs fois dans l'année scolaire.

L'objectif visé sera ultérieurement couplé avec un travail de classe de type traditionnel ou si l'on préfère de type cursus ou relationnel enseignant-élève, c'est-à-dire sans intervention de la machine. C'est dans cette phase là, indispensable, que le rôle de l'enseignant ne peut être remplacé par un programme d'ordinateur.

 

Nous avons donc entrevu les possibilités extraordinaires de la machine. Le micro-ordinateur va entrer en force d'abord dans les écoles, toutes les écoles, ensuite dans les classes, dans chaque classe. C'est le futur et l'avance inéluctable de l'évolution humaine. On ne l'arrêtera pas.

Nous pouvons imaginer dans quelques années une série de micro-ordinateurs dans une classe, micro-ordinateurs bientôt spécialisés à l'enseignement en classe élémentaire, tous avec écrans de couleur, de prix abordable suite aux dernières techniques d'intégration totale des composants et de fabrications automatisées. Pénétrons dans cette classe. Nous pouvons imaginer déjà toutes les possibilités offertes à l'enseignant comme aux élèves. Le professeur, capable de lancer des opérations pédagogiques ponctuelles sur un élève ou d'ensemble sur la classe avec analyse profonde des résultats, disposera d'une puissance énorme (n'ayons pas peur des mots) au niveau d'une stratégie de pédagogie générale mais aussi au niveau de la pédagogie de fonctionnement de la classe. Il pilotera sa classe.

 

Quant aux élèves, ils auront très tôt une possibilité d'auto enseignement par ordinateur. Car il sera nécessaire de temps à autre, de leur laisser entière liberté dans le choix des programmes. Je parle de didacticiels d'enseignement et non de programmes de jeux basés sur les réflexes et l'amusement. Il en faudra aussi mais à d'autres moments. Le danger, à cette époque, sera inverse du nôtre.

 

Le risque existera de négliger voire de condamner les autres types d'enseignements indispensables à l'individu au profit de la seule terrifiante efficacité des didacticiels et des ordinateurs, je veux dire d'oublier la lecture des livres, le discours de morale, le dialogue ou l'écriture.

 

Et si, pour terminer ce chapitre, nous rêvions un peu...

 

Entrons de plein pied dans la fiction et vivons un court instant d'une classe du XXI° siècle... Toujours les quatre murs même s'ils sont peints de couleurs vives... encore des tableaux noirs et l'éternel brouhaha de la ruche en fête. Aux quatre coins, les dix consoles de micro-ordinateurs. Dix "micros"!... Un rêve!... Mis à part un élève qui copie en entier la correction du dernier exercice de grammaire, trois élèves qui lisent leur livre de bibliothèque... important la lecture même au XXI° siècle... deux autres qui, sans qu'on le leur ait commandé, ont entrepris un dessin sur une simple feuille de papier, un groupe qui travaille dur à préparer un exposé sur magnétoscope de la conquête de l'espace et un second qui a commencé la rédaction d'un conte, tous les autres enfants sont devant les écrans des micro-ordinateurs.

 

Sur le premier écran, la construction d'un dessin animé par trois élèves, sur le second et le troisième, un exercice de conjugaison individuel où les élèves passent donc un par un à l'appel de leur nom par la machine, sur le quatrième, un programme se rapportant à la chronologie des dernières leçons d'Histoire et suivi par un groupe, sur le cinquième le vieux système Logo qui avait autrefois déclenché tant de tempêtes, sur le sixième deux élèves testant leur propre programme écrit en langage Educator sous l'oeil intéressé de quelques camarades, sur le septième le professeur aidant un élève à retrouver et corriger une faute de programmation, sur le huitième la lecture d'une encyclopédie, sur le suivant un jeu de réflexion...

 

 

Je laisse les deux derniers écrans à vos imaginations... Mieux... Brisons le rêve et laissons à nos propres élèves la suite de l'aventure de l'Homme... de l'Homme et de l'Enfant...

 

 

 

En résumé, si on ne perd pas de vue que la difficulté fondamentale d'un enseignement donné dans une classe est liée à la différence de potentialités intuitives ou de motivation pour un objet d'étude aussi bien qu'aux divers niveaux de connaissances générales, de goûts ou de comportements de chaque élève, il résulte de ces axiomes (axiome: propriété évidente) et des postulats de départ (postulat: proposition indémontrable) un certain nombre de règles générales d'emploi des ordinateurs dans l'Enseignement Informatisé.

 

 

RÈGLES SUR L'ANALYSE PÉDAGOGIQUE.

 

Première règle : Quel que soit le type de pédagogie employé, l'Enseignement Informatisé exige une pédagogie de niveau au sein même du fonctionnement général de la classe.

 

Deuxième règle : En fonction des différentiels d'hétérogénéité des élèves et des difficultés, il faut adapter en priorité non seulement les didacticiels mais aussi leur emploi à la recherche systématique d'un type d'enseignement personnalisé ou de pédagogie de niveau.

 

Troisième règle : Les possibilités de l'ordinateur et les techniques de programmation peuvent et doivent modifier l'attitude pédagogique de l'enseignant mais c'est l'analyse pédagogique de l'enseignant et le type d'enseignement choisi qui fait le choix du didacticiel et non l'inverse.

(Autrement dit, c'est l'analyse pédagogique de l'enseignant qui assujettit le choix du didacticiel et non ce dernier qui doit assujettir la pédagogie d'un enseignant. Le danger est réel pour les enseignants qui ne fabriquent pas leurs didacticiels et ne disposeront que d'un choix limité de logiciels).

 

Quatrième règle : La fabrication ou le choix d'un didacticiel destiné à l'Enseignement Informatisé doit être étudié en fonction de la méthode d'emploi, des connaissances minimales et maximales, des possibilités et de l'état d'esprit des divers enfants auquel il est destiné et non pas seulement des objectifs pédagogiques de l'enseignant.

 

Cinquième règle : Toute Pédagogie liée à l'Enseignement Informatisé comme toute autre pédagogie ne peut être uniquement une fonction d'unique appréhension de connaissances au niveau d'enfants et d'adolescents... elle doit posséder une dimension psychologique, une relation humaine et ne pas oublier que toute pédagogie est d'abord un dialogue. Il faut rejoindre Piaget en ce domaine...

 

 

RÈGLES DE CONSTRUCTION DES DIDACTICIELS.

 

Sixième règle : Un didacticiel d'apprentissage doit présenter si possible aux élèves un développement structuré du phénomène étudié, c'est-à-dire une décomposition poussée et analytique des différentes difficultés.

(On rejoint ici la pensée des pédagogies scientifiques, structuralistes et programmées, à savoir la décomposition systématique d'une difficulté générale en unités de difficultés simples.)

 

Septième règle : Plus un didacticiel est adaptable au niveau de chaque élève donc plus son différentiel de difficulté est élargi, plus il est adapté à l'Enseignement Informatisé, plus il est apte à sublimer les potentialités intuitives et de motivations de l'ensemble des élèves et plus il est facile à employer.

 

Huitième règle : Tout didacticiel, y compris un programme de simulation d'intelligence artificielle, a des limites strictes dont il ne peut sortir. Il obéit et n'a pas de libre arbitre et s'il possède une possibilité de communication immédiate et privilégiée avec l'élève, cette dernière ne peut remplacer la communication élève-enseignant qui est entièrement et totalement différente. Donc un enseignement uniquement programmé est forcément incomplet.

 

 

COMPLÉMENTARITÉ Enseignant-Programme.

Neuvième règle : Les programmes d'enseignement possédant des processus pédagogiques différents des processus pédagogiques d'un enseignant, en conséquence il y a complémentarité entre une pédagogie directe de l'enseignant et une pédagogie indirecte par didacticiel interposé. Donc aucun programme pédagogique ne peut remplacer un pédagogue et aucun pédagogue ne peut remplacer un programme pédagogique.

(Si l'on préfère... : Premièrement, on ne doit pas laisser le soin à une série de didacticiels de traiter certaines questions et s'en remettre uniquement au travail de l'ordinateur. Deuxièmement, il ne faudrait quand même pas que, sous prétexte que les didacticiels apprennent facilement aux enfants, les enseignants cherchent à imiter les programmes d'ordinateur au sein même de leurs propres pédagogies ou que dans un autre ordre d'idée on remplace tout enseignant par un groupe d'ordinateurs).

 

Dixième règle : L'emploi en continu de l'outil informatique ne peut inclure la part du temps pédagogique nécessaire aux cours qui exigent un dialogue enseignant-totalité de la classe.

(On peut considérer que le temps de fonctionnement de l'ordinateur peut avoisiner au sein d'une pédagogie de niveau jusqu'aux 2/3 du temps total d'enseignement dans une classe primaire mais ne doit pas le dépasser. C'est un maximum.)

 

 

 

 

 

CHAPITRE 7

 

 

 

L'ENSEIGNEMENT INFORMATISÉ.

 

 

 

 

Avant d'étudier en détail la programmation des logiciels, ce chapitre cherchera à déterminer les critères liés à la fabrication des logiciels et à leur emploi dans le cadre de l'EI.

 

Les questions que tout enseignant désireux de se lancer dans l'Enseignement Informatisé va être amené à se poser seront :

... Serais-je capable de maîtriser l'outil informatique au sein de la pédagogie, c'est-à-dire :

 

1) être capable de le faire fonctionner?

2) comprendre les principes généraux de base du fonctionnement de l'outil?

3) créer moi-même, seul ou avec un groupe de collègues, des programmes adaptés à ma pédagogie?

4) employer l'ordinateur en continu au sein de mon enseignement?

 

Etre capable de le faire fonctionner, c'est-à-dire être simplement capable de "piloter la machine" est à la portée de tout un chacun. De même, la compréhension des principes généraux de fonctionnement. Comme déjà vu, on peut comparer l'ordinateur à une voiture automobile. Un certain nombre de connaissances sont nécessaires pour piloter celle-ci et on peut connaître le fonctionnement général du moteur à explosion sans entrer dans les détails techniques. Savoir le principe de fonctionnement n'est pas obligatoire pour employer un engin!... C'est la même chose pour l'ordinateur ou le frigidaire.

 

Pour ce qui est de la question suivante, je montrerai dans la deuxième partie du livre que la plupart des lois de base de la programmation sont dans le domaine des capacités de quelques enfants de 10 ans tant en Mnemon qu'en Basic ou en Logo. En fait, tout individu doué d'un minimum de réflexion est capable de construire un programme Basic simple.

 

C'est la motivation et elle seule qui décidera si un enseignant écrira ou n'écrira pas un programme, pas la capacité de raisonnement logique ou mathématique.

 

Mais si chacun peut créer des programmes simples et parfois intéressants pour son propre enseignement... car l'intérêt pédagogique d'un logiciel n'est pas fonction de la complexité de sa programmation... il n'est peut-être pas à la portée de tous de créer des programmes évolués ou extrêmement complexes ou de programmer en assembleur ou directement en langage machine. Dans ce cas, il faut d'abord et de toute évidence une certaine pratique de la programmation qui ne s'acquiert qu'avec le temps. C'est en forgeant qu'on devient forgeron! Et c'est avec le temps qu'on saura si l'on est capable de programmer au niveau le plus sophistiqué.

 

La programmation, c'est comme le piano... Tout le monde peut en jouer mais devenir un virtuose demande du temps et n'est pas à portée de tous...

Rien, cependant n'empêche d'y prendre son plaisir et de se composer de petits airs de musique, pardon de petits programmes pédagogiques...

 

Revenons sur les objectifs principaux d'un Enseignement Informatisé, quel que soit par ailleurs l'école de Pédagogie qu'il soutienne. Il convient de rappeler que dans l'optique de l'EI, un programme doit porter sur une question générale et de base de l'enseignement. L'emploi d'une série de programmes de cours destinés en fait à remplacer, à réviser ou à épauler systématiquement l'ensemble des cours de l'enseignant n'appartient pas à la théorie de l'EI. mais à l'EAO.

 

L'Enseignement Informatisé doit couvrir en priorité uniquement les difficultés de base d'un enseignement, porter sur les règles primitives si l'on préfère et les difficultés importantes, doit aussi s'attacher à la construction de programmes relevant d'une pédagogie impossible à réaliser sans ordinateur et doit s'écarter dès que possible des techniques pédagogiques de l'Enseignement "classique".

 

Un enseignement par ordinateur calqué sur l'enseignement classique, à part l'interactivité propre à l'emploi de l'ordinateur, ne possède pas la richesse de l'EI. Vouloir méthodiquement "remplacer", "aider" ou "doubler" l'enseignant dans tous ses cours (programmes de type tutoriel), ou présenter tous les exercices de l'année sur ordinateur et de la même manière ne relève pas non plus de la Théorie de l'Enseignement Informatisé!

 

Supposons un enseignant, une classe de 30 élèves, un ordinateur et un cours d'EAO portant sur l'ensemble des leçons d'une matière donnée. Si chaque leçon "informatique" exige une demi-heure de passage "en solo" pour chaque élève, le passage de tous les élèves de la classe demande 15 heures. Dans ces conditions, l'emploi d'un cours EAO portant sur une matière spécifique d'enseignement ne peut se concevoir qu'avec une console par élève. La "rentabilité" d'un cours basé systématiquement sur des "leçons sur ordinateur" n'est absolument pas évidente.

L'EAO a tout son intérêt pour un enseignement sans enseignant et pour des étudiants de Facultés ou des adultes qui peuvent l'exploiter à titre de révision ou de formation continue. Ceci dit, certains logiciels présentés comme appartenant à l'EAO, peuvent très bien relever de l'Enseignement Informatisé.

 

Quelles sont donc les différences entre l'EI et l'EAO ?

La première différence et la plus importante est fondamentale.

 

Bien que filles toutes deux de l'Enseignement Programmé, l'EAO s'adresse à un individu, l'EI à une classe d'élèves.

 

L'EAO est un "apprentissage" général et systématique de connaissances sur un sujet donné.

L'EI est d'abord une pédagogie d'emploi de l'outil informatique dans une classe d'école primaire ou secondaire (ou même à titre personnel) et ensuite se veut un initiateur d'intelligence et de connaissances de base.

 

L'EI est un "initiateur" qui n'a pas vocation première à une acquisition de données importantes ou à remplacer la leçon de l'enseignant mais doit être un "pédagogue automate" à vocation de précepteur destiné à développer très fort le raisonnement, la prise de décision, l'attention des élèves par l'intermédiaire d'un dialogue.

 

Pour la philosophie de l'EI, ce serait donc une erreur capitale de vouloir "faire suivre par le moyen de l'ordinateur une à une les séries de leçons dûment répertoriées sur chacun des livres dans chaque matière". D'abord ce serait impossible, vu la quantité et le temps nécessaire même si chaque élève disposait d'un micro-ordinateur et cela ne vaudrait jamais la "qualité" et la "rapidité" d'enseignement qui peut exister entre un individu et un groupe d'élèves. Et puis, comme beaucoup d'enseignants, j'aime trop ma classe et mes élèves pour laisser à un programme le soin d'expliquer une leçon à ma place!

 

Dans la classe du futur, on peut raisonnablement penser que les ordinateurs seront reliés à des banques de données (encyclopédies, images de synthèse, images graphiques, leçons visuelles reliées à un téléviseur) mais il faudra demeurer conscient que ces futures techniques relèveront de l'EAO et non de l'EI. En fait l'EI se justifie plus que l'EAO type banques de données surtout dans les classes de l'enseignement primaire et de collège pendant toute la période d'évolution et de fabrication de l'intelligence, avant l'acquisition de la pensée formelle. L'EAO et les encyclopédies expliquées qu'il pourra mettre à la portée de tous, seront plus précieux aux étudiants en classes terminales ou en Faculté et à toute personne plongée ensuite dans la vie active désirant parfaire sa Culture ou ses connaissances.

 

Dans la théorie de l'EI, la classe du futur, c'est un réseau de six à douze micro-ordinateurs avec quelques didacticiels puissants de base et une trentaine d'élèves... Ceux-ci pourront plus tard posséder tous en lieu et place du cartable un petit micro-ordinateur portatif de base destiné à remplacer les livres, les dictionnaires, le cahier de dessin, etc... toute une encyclopédie relevant à ce titre de l'EAO mais aussi des traitements de texte et des logiciels de l'EI.

 

Outre la définition précise de l'objectif pédagogique, la fabrication des logiciels destinés à l'EI exige :

 

1 ) Un raisonnement logique (qui s'apprend en programmant).

2 ) Une connaissance psychologique innée (et non apprise) de l'enfant.

3 ) Une certaine poésie.

 

Cette dernière assertion pourrait prêter à sourire... Et pourtant, un programme ne doit jamais être seulement une somme de raisonnements logiques et froids. Qui plus est, la présentation générale d'un programme (et j'entends par présentation, non seulement l'image sur écran, les effets sonores et le dialogue machine-élève mais aussi la présentation de l'organigramme général) doit être fonction de l'âge supposé des élèves auxquels il est adressé. Autant dire qu'un programme destiné à des enfants en bas âge exige une poésie proche de la poésie enfantine. Comme le dit le cinéaste et romancier Fernando Arrabal (cité dans le Microscopie de MICRO7 d'octobre 1983) "Pour moi écrivain, l'informatique est inséparable de la poésie de la liberté... Il y a une part de folie, de poésie dans l'informatique..."

 

Le programme terminé, il restera toujours une question pour son auteur enseignant... Ce programme est-il pédagogiquement valable ?

 

N'oublions pas de différencier la valeur pédagogique du programme de la valeur technique de programmation. La valeur pédagogique d'un programme a toujours un côté subjectif. On peut soutenir qu'elle repose en gros:

1° Sur le ou les objectifs d'enseignement.

2° Sur le parcours pédagogique choisi.

3° Sur la valeur pédagogique du déroulement du programme.

 

Seul le troisième critère peut être considéré comme non subjectif.

 

Il est donc relativement difficile de porter un jugement global sur un logiciel d'enseignement. Le seul critère vraiment mesurable est l'intérêt des élèves auxquels un programme est censé s'adresser mais ce jugement n'en demeurera pas moins partiel. Pourtant, il est peut-être le jugement le plus important!

 

L'expérimentation auprès des élèves est donc indispensable. N'oublions pas qu'un programme n'est jamais terminé et peut toujours être amélioré quant à son interactivité.

En fait le seul danger important qui existe serait de se lancer dans la construction d'un logiciel sans avoir au préalable une idée précise du ou des objectifs pédagogiques visés... Je pense que tout enseignant qui le désire, doit être capable de fabriquer un programme de pédagogie même assez complexe à la condition de posséder, c'est l'évidence, une certaine pratique de programmation. Or, cette pratique, je l'ai déjà dit, ne s'acquiert qu'avec le temps et le danger à ce niveau, serait de se lancer dans un travail au dessus de ses capacités et d'être, à la fin, amené à "sacrifier" la qualité pédagogique pour "sauver" le didacticiel en gestation.

 

La programmation exige beaucoup de patience au départ, l'acquisition d'un état d'esprit spécifique et d'une tournure de ra

isonnement logique qui demandent un certain délai... j'oserai dire d'acclimatation à la logique sans faille qu'elle réclame. Passé ce cap, si elle plaît, elle devient un jeu, une espèce d'exercice intellectuel comme peuvent l'être les échecs, le bridge ou la recherche des mots croisés, sinon elle risque de se transformer en un travail fastidieux.

 

Le temps passé à la mise au point d'un programme, question angoissante posée par tous les enseignants que j'ai rencontrés, varie évidemment en fonction de la longueur et de la complexité du programme mais énormément en fonction de l'habitude de programmation. Nul doute que pour un programme donné, un programmeur débutant mettra dix fois plus de temps... je dis bien dix fois... qu'un programmeur chevronné... mais en compensation, prendra certainement dix fois plus de plaisir et d'orgueil à le voir "tourner" correctement!... Le temps passé à la mise au point d'un programme ne se compte pas, il se prend. Pour donner toutefois un ordre de mesure, je peux dire qu'un programmeur averti peut "descendre" un petit programme Basic même assez complexe de 4 à 8 Kilo octets de mémoire dans la journée. Souvent et assez paradoxalement, ce sont les ajouts, les petites modifications, les corrections mineures qui peuvent dans certains cas prendre plus de temps que la fabrication générale du programme.

Reconnaissons que l'espèce "programmeur-passionné" ne compte pas les heures passées devant le clavier...

 

Il arrive qu'on désire introduire au sein d'un programme ancien une ou plusieurs modifications. C'est là que le programmeur va buter sur cette difficulté inhérente à la complexité d'un programme, à savoir entrer directement au sein d'un raisonnement vieux d'un an ou plus, oublié, autour de variables et de sous-programmes dont on a perdu les tenants et aboutissants d'où le rappel de cette nécessité de bien structurer sa programmation, c'est-à-dire en particulier de construire systématiquement le programme par blocs successifs, bien délimités et séparés. Mes premiers programmes n'étaient guère structurés mais avec le temps la programmation structurée s'impose à tout programmeur.

 

Essayons d'ordonner maintenant les règles de fabrication des logiciels destinés à l'Enseignement Informatisé.

 

Toute fabrication d'un didacticiel c'est-à-dire d'un programme pédagogique doit obligatoirement passer par trois phases bien distinctes et complémentaires.

D'abord, l'étude pédagogique de l'objectif recherché et la rédaction proprement dite du logiciel avec mise en ordre chronologique des informations en fonction des liens logiques et des niveaux de difficultés. Ensuite, la double validation du programme par expérimentation auprès des élèves... validation toujours au niveau du fonctionnement et surtout validation au niveau pédagogique. Enfin, conséquence de la validation et de la réflexion pédagogique, mise en place de modifications ou même dans certains cas développement du didacticiel, avec nouvelle expérimentation et retour à la seconde phase (en général plus courte) puis par voie de conséquence, à la troisième. Cette dernière phase peut même quelquefois aller jusqu'à une refonte complète du logiciel si par exemple les améliorations envisagées sont particulièrement nombreuses ou si le fonctionnement du didacticiel ou le résultat pédagogique obtenus laissent vraiment penser qu'une telle décision est indispensable. Mais ce doit être vraiment exceptionnel.

 

Un programme n'est jamais terminé à son premier jet!... L'est-il seulement un jour ?... (les programmeurs me comprendront!)

 

L'avantage d'un enseignant-programmeur est, sans conteste, de pouvoir programmer une programmation dynamique par opposition à une programmation statique qui doit aboutir à un programme figé. La programmation dynamique d'un programme est une programmation sans arrêt, qui, après expérimentation auprès des élèves ou des étudiants, permet d'apporter de nouvelles améliorations en continu. On peut dire qu'un programme n'est vraiment jamais terminé et qu'il est toujours susceptible de recevoir un plus, suite à son expérimentation ou à l'expérimentation d'un programme tiers. C'est aussi une des grandes différences entre l'EAO et l'EI.

 

D'autre part, l'emploi en continu de l'ordinateur au sein d'une classe exige forcément des programmes d'une durée relativement brève car l'enseignant doit pouvoir rapidement "reprendre" le contrôle de la classe dans sa totalité en fonction de l'emploi du temps ou même du déroulement de la classe. Certains didacticiels peuvent être interrompus et repris ensuite par l'élève plus tard. Par contre les programmes qui tiennent compte du temps écoulé pour des relevés statistiques ou qui imposent des temps de réponse fonction du temps peuvent exiger la présence de l'élève sans interruption du début à la fin. D'une manière générale, l'arrêt de passage d'un élève à un didacticiel doit être évité. De même un programme trop long dans son déroulement fatigue un élève et les résultats risquent d'être à l'inverse des objectifs recherchés. Il faut que chaque jour de classe, le plus grand nombre d'élèves puisse bénéficier de la présence de l'ordinateur!

 

Voyons quelques règles de base de construction et de fabrication d'un didacticiel destiné à l'EI.

 

Première règle : Un didacticiel doit porter sur une question générale et de base de l'enseignement. Sa durée, sauf exception, ne doit pas excéder un quart d'heure et pour un objectif spécifique donné doit être le plus court possible dans son déroulement.

Deuxième règle : Un didacticiel doit relever en priorité d'une pédagogie impossible à réaliser sans ordinateur et doit s'écarter dès que possible des techniques pédagogiques de l'Enseignement "classique".

Troisième règle : Un didacticiel doit être, si nécessaire, amélioré d'une manière continue et ne jamais être considéré comme définitivement figé.

Quatrième règle : Sauf exception, tout didacticiel doit être un dialogue facile entre l'ordinateur et l'élève et se passer d'une présence obligatoire de l'enseignant pour son bon déroulement.

Cinquième règle : Un didacticiel doit être adapté à l'ensemble d'une population d'élèves sinon doit:

1) soit s'adapter automatiquement au niveau de l'élève.

2) soit permettre à l'élève ou à l'enseignant de l'adapter au départ à un niveau pré défini,

3) soit autoriser l'enseignant à l'adapter à certains élèves en difficulté ou handicapés moteur, grâce à une variation du temps autorisé de réponse.

Sixième règle : Un didacticiel doit s'intégrer dans le déroulement de la classe. Pour cela, il doit commander des conditions de passage et gérer automatiquement l'ordre de passage d'élèves à partir d'un fichier. Les conditions de passage sont commandées par l'enseignant et peuvent être fonction d'une moyenne des notes ou du nombre de passages antérieurs.

Septième règle : Chez les jeunes enfants et les adolescents, c'est l'activité ludique qui prime, donc il faut chercher à présenter tout didacticiel comme un jeu même simple entre l'élève et l'ordinateur.

Huitième règle : Il convient de soigner particulièrement la présentation générale des textes sur l'écran, animer l'image si nécessaire, coupler sons et actions, manipuler avec soin sons et couleurs, sans perdre de vue qu'il ne s'agira jamais de la qualité principale d'un didacticiel.

Neuvième règle : Il faut si possible éviter une ou plusieurs pages de texte et la monotonie d'un monologue dans tout ou partie d'un didacticiel.

Dixième règle : Le fonctionnement du didacticiel doit être facile et compris par tous. Si des explications sont nécessaires, elles doivent pouvoir être présentées sur l'écran.

Onzième règle : Un didacticiel doit être employé plusieurs fois avec chaque élève et ne doit jamais, à partir d'une analyse de résultats antérieurs du fichier de notes, systématiquement considérer comme définitivement acquis toute difficulté auparavant franchie par un élève.

(Les résultats obtenus par un ensemble d'élèves sur un même programme montrent toujours qu'il existe trois familles d'élèves... ceux qui progressent en continu, ceux qui progressent avec des résultats en dents de scie et ceux dont la progression en dents de scie est si lente que les résultats paraissent aléatoires. Pour cette dernière catégorie, on peut expérimentalement vérifier que le résultat le plus faible peut très bien être obtenu au cinquième ou au sixième passage... On comprend que dans ces conditions, il soit bon qu'un programme complexe entreprenne automatiquement ou au moins de temps en temps les révisions d'obstacles auparavant franchis par un élève donné...)

Douzième règle: La valeur pédagogique d'un programme n'est pas fonction de la complexité de sa fabrication pas plus qu'elle ne dépend pas de la qualité de la programmation mais est liée en priorité aux objectifs pédagogiques définis, au degré d'interactivité qu'il présente, à l'éloignement de sa technique pédagogique par rapport à la pédagogie "classique" (sans aide d'ordinateur), à la moyenne de progression des résultats obtenus et à la capacité d'auto apprentissage qu'il peut fournir au répondant.

Treizième règle : La complexité de fabrication d'un programme dépend plus de la complexité de jonction des ordres et des "micro organigrammes" d'unités entre eux que de la complexité interne des ordres et des algorithmes de ces "micro organigrammes". Il faut donc apprendre à structurer sa programmation si on désire fabriquer un programme complexe et pouvoir facilement l'améliorer ultérieurement.

Quatorzième règle : Structurer un programme, c'est en priorité construire systématiquement un programme par l'intermédiaire de sous-programmes bien délimités dans leur rôle respectif et munis de commentaires explicatifs de fonctionnement. Le corps principal d'un programme structuré n'est composé que d'une boucle contenant uniquement des appels de sous-programmes.

 

Il faut savoir que moins un langage de programmation est structuré par lui-même, plus il exige du programmeur une structuration poussée du programme. C'est en particulier le cas du Basic.

 

Revenons à l'emploi des didacticiels dans le cadre de l'Enseignement Informatisé. Au sein d'une classe ou d'un établissement scolaire, il est fonction en premier de l'objectif pédagogique, individuel ou de groupe, et par corollaire de la personnalité du ou des enseignants qui veulent l'employer. Il est ensuite fonction des conditions même d'emploi, emploi en continu, intermittent ou unique sur une période donnée. Emploi de logiciels d'auteurs ou de logiciels réalisés par un équipe pédagogique. Cependant, il ne faut pas perdre de vue les règles d'usage des didacticiels au sein d'une stratégie générale de pédagogie.

 

Pour ce qui est de l'emploi d'un programme ou d'un ordinateur dans une classe, il en est comme de toute innovation pédagogique. Il ne demande qu'un effort d'imagination et de volonté... et peut-être aussi ne pas avoir quelquefois peur de balayer préjugés, habitudes, us et coutumes ...

 

Il faut oser !

 

Pour terminer ce chapitre peut-être un peu angoissant à un profane en informatique, j'affirme que la grande majorité des enseignants est capable de s'adapter à l'emploi de l'informatique dans son enseignement comme elle l'a été à de nouvelles instructions ou à un type de matériel pédagogique quelconque. Question de temps...

 

Il faut signaler que la technique de programmation est moins importante que ne le disent certains. Un enseignant qui entreprend l'écriture d'un programme doit adapter sa programmation et le choix de l'objectif pédagogique à ses possibilités de programmeur. C'est l'évidence même. Un programme complexe d'Intelligence Artificielle, c'est-à-dire capable d'analyser par exemple une réponse écrite et d'en tirer les conséquences pour soutenir une conversation sur un sujet donné (programmes dits conversationnels à analyse de réponses), n'est pas à la portée de tout programmeur débutant comme tout logiciel de pédagogie ne justifie pas l'emploi des techniques les plus élaborées de programmation.

 

Tant mieux, si on est capable d'entreprendre la fabrication d'un tel didacticiel et c'est vrai qu'une technique sophistiquée d'analyse de réponses peut être obligatoire pour certains types de programmes mais même sans cette technique, on peut écrire des logiciels dignes d'intérêt...

 

N'oublions pas que ce n'est pas la complexité du programme qui fait sa valeur pédagogique. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, surtout pour des enfants en bas âge, un programme relevant d'une programmation extrêmement difficile n'est pas obligatoirement le plus adéquat!

 

Un programme d'Intelligence Artificielle n'est pas forcément meilleur, pédagogiquement parlant, qu'un simple programme de QCM, de questions à choix multiples. Comprenons aussi que cela ne signifie pas l'inverse, c'est-à-dire que plus un programme est simple meilleur il est!... Disons qu'il n'existe aucune relation de cause à effet entre la valeur pédagogique et la complexité de programmation d'un didacticiel.

 

Un programme à QCM (questions à choix multiples du type choisissez une réponse parmi plusieurs proposées) a des avantages au niveau de la rapidité de déroulement donc de l'interactivité répondant-programme si l'objectif pédagogique est intéressant. Concrètement, un programme dont l'objectif unique est l'accord du verbe avec le sujet n'a pas besoin d'exiger l'écriture entière de la phrase par l'élève, au contraire par exemple d'un programme portant sur la construction d'une phrase à partir d'un certain nombre de mots. C'est bien l'objectif pédagogique qui détermine le choix de la technique de programmation. Il ne faut jamais perdre de vue le RENDEMENT du travail même en pédagogie.

 

Le choix doit être fonction de l'objectif pédagogique et non d'un parti pris de technique de programmation! Mieux, les programmes à questions à choix multiples, en dehors de leur plus grande facilité de fabrication, ont l'avantage de la facilité de réponse et d'une plus grande vitesse de déroulement de l'ensemble du programme.

 

On a trop tendance à discuter globalement des mérites ou des défauts des logiciels éducatifs en fonction des techniques de programmation employées ou d'à priori pédagogiques. C'est une erreur!

 

Le choix d'une technique s'impose en fonction de l'objectif pédagogique et le choix de l'objectif pédagogique en fonction de la pédagogie personnelle de l'enseignant. D'où l'avantage d'être capable de programmer ses didacticiels!

 

Il serait totalement ridicule de construire tout un ensemble de logiciels selon un critère de fabrication déterminé ou sous un seul objectif pédagogique délimité, jugés à priori supérieurs aux autres. Cette erreur est une erreur typique de la recherche fondamentale entreprise sur l'EAO dans les Facultés et qui consisterait à vouloir déterminer globalement la valeur des logiciels d'enseignement en fonction de la technique de programmation employée, du type d'écran, de la présence ou non des sons ou d'une souris ou du type de pédagogie qu'ils sont supposés soutenir.

 

Cette erreur est due au fait qu'il est délicat d'entreprendre une recherche objective sans une expérimentation prolongée des techniques de programmations des didacticiels et des techniques d'emploi au sein d'un enseignement.

 

On peut même ajouter que, sauf exception, il est pratiquement impossible à un Universitaire de juger la valeur pédagogique d'un programme destiné à l'enseignement primaire car il est totalement ignorant de la pédagogie nécessaire à ce niveau. N'oublions pas que plus l'enseignement se tourne vers des enfants en bas âge, plus la pédagogie est difficile!

 

La pédagogie nécessaire à un professeur de Faculté s'adressant à des étudiants d'une vingtaine d'années, n'a rien de commun avec celle destinée à des enfants en bas âge. Donc il faudra associer les instituteurs et les professeurs du secondaire à la recherche fondamentale que les Facultés seront amenées à entreprendre sur le sujet.

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© E.Rougé & Éditions du Paradis

 

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